mercredi 11 décembre 2019

Mélik, une peinture tellurique

                                    A la mémoire d'Anne Rabbe de Saint-Agnan (1917-2018)

Joan Miro : "La peinture est en décadence depuis l'âge des cavernes."
"Quel est le peintre des siècles derniers que vous admirez le plus ?, Edgar Mélik : "moi, grâce surtout à mes racines antérieures millénaires."

              La peinture de Mélik est un volcan qui fascine avec ses formes dominées par la matière. L'image est parfaitement lisible en dépit de ce qu'on ressent d'abord comme des déformations arbitraires. Si on songe à rapprocher Mélik des tentatives des peintres de son temps, on prend conscience que sa peinture occupe un rang moyen. Il a trouvé un équilibre entre déformation et droit des formes naturelle, par une sorte d' "involution vers la préhistoire. "

Dans cette matière en fusion, on lit sur la surface une bataille immémoriale qui s'est jouée pour laisser ses traces d'où émergent des formes et des  couleurs que l'esprit réagence pour comprendre.
Ce tableau obéit à ce style de manière magistrale.

Edgar Mélik, Rupture, HSC, c. 1960, 65 x 50 cm, collection particulière

Deux formes encore humaines que tout oppose matériellement. A gauche une femme, réplique des Vénus de la préhistoire, semble posée sur le sol alors qu'une silhouette d'homme s'éloigne d'elle. 
Elle reprend les codes de ces premières statuettes féminines que nos ancêtres ont sculptées il y a des millénaires, la tête minuscule et le bassin démesuré. On parle alors de Vénus callipyges (aux belles fesses). Dès les années 1930 Picasso possédait plusieurs répliques d'une des plus célèbres, la Vénus de Lespugue. Il s'en inspira pour ses sculptures de femmes archaïques et fantaisistes visibles  dans les photos de Brassaï publiées par la revue Minotaure en 1933 (voir aussi de Brassaï : " Du mur des cavernes au mur d'usine.", revue Minotaure, 1933, n°3-4).



























Ce corps est loin d'être informe car de multiples détails lui donnent une "âme". Cette Femme est bien assise sur une masse mais on suit parfaitement la ligne serpentine de son dos.  Les traces rouges dans la matière granuleuse du dos dessinent comme une incision virtuelle. Une forme allongée, plus claire, laisse deviner une jambe repliée. 




















Tel un colosse à bascule cette Femme tient en équilibre grâce à la forme convexe de son dos qui se prolonge vers une minuscule tête. Celle-ci est presque aussi étroite que le cou qui la porte comme un faible pédoncule avec son bouton. Cette stylisation de "Tête en forme d'épingle" remonte bien sûr aux statuettes féminines de la préhistoire, mais elle a surtout été rejouée par Joan Miro dans ses arabesques descriptives des années 1930, par Picasso et plus près de Mélik, par Gabriel Laurin d'Aix.



 Gabriel Laurin, Femme assise dans un fauteuil (1956)
 Pablo Picasso, Marie-Thérèse Walter





















Picasso, Baigneuse, HST, 1928, musée des Beaux-Arts de Rennes

 Sur un fond vert Mélik a frotté la matière-peinture orange. Symbole de fragilité cette Tête n'est pas une caricature mais l'emblème d'une Femme bien réelle. Il s'agit d'un visage divisé par une ligne d'ombre verte, selon un procédé qu'on observe dans les Têtes-masques africains que peignirent Matisse  et Picasso dans les années 1910. Mais surtout ce visage nous regarde, nous qui passons devant ce tableau. Elle nous fixe, pour nous prendre à témoin de la violence silencieuse d'une rupture qui 'la laisse à terre'.


La matière colorée n'a laissé que des éclats de bleus accrochés aux aspérités. Il ne manque pourtant rien à ce regard triste et étonné.  Femme pétrifiée par la rupture inattendue ? En tout cas elle garde encore la trace de la féminité de son vêtement grâce à un détail à peine perceptible qui prouve à quelle échelle du minuscule Mélik réalise sa peinture. Sur une frange bleue du ciel se détache une série de taches jaunes sur lesquelles Mélik a posé trois grains roses, comme autant d'ombre.  A la bonne distance, il s'agit bien de trois élégants boutons qui ferment un corsage, trois boutons minuscules par ordre croissant de taille.


Si cette Femme nous regarde, l'Homme nous tourne le dos pour s'éloigner. A la masse de pierre blanche toute en rondeurs s'oppose un corps très articulé à l'aspect d'un torche en flamme.

Tout dans ce corps indique un mouvement brusque, avec un bras gauche lancé en arrière, et de puissantes épaules projetées en avant. Le dos est composé comme une mosaïque qui suggère autant de muscles tendus par l'effort de gravir une pente. En effet, cette créature un peu terrifiante  vient de franchir un seuil, une grande dalle blanche qu'on distingue à peine du sol coloré par une argile rouge.


Sous ses pas, la matière tourbillonne sous les coups de pinceaux de Mélik. La terre s'anime de vagues où le vert, le jaune, le rose et le blanc dessinent des embruns telluriques. Le sol se soulève pour symboliser une crise toute humaine, celle de deux êtres qui se séparent.

Pourtant, ils sont encore proches, ou du moins un ensemble physique des plus étranges les relie toujours. D'abord ce bras chauffé à blanc dont la main énorme a perdu son aspect humain. Une sorte de main mutilée de presque tous ses doigts.


Une roche-menhir est plantée dans le sol entre la Femme et l'Homme. Elle reprend les aspérités du sol et se détache sur le fond bleu et fluide du ciel. Forme indéchiffrable, elle est une barrière animiste entre ces deux êtres.L'animisme, cette première religion de l'humanité quand les esprits peuplaient les torrents, les arbres et les roches pour communier avec les émotions de l'homme primitif. L'art préhistorique a exercé une véritable fascination sur les avant-gardes artistiques de Paris dans les années 1930.  Ce fait a durablement orienté les créations de Miro, Picasso et Giacometti dans la certitude que le temps peut être aboli,  que "la fin rejoint le commencement" dans une sorte de "télépathie archaïsante" pour reprendre l'expression de Carl Einstein (sur les collages de Miro, revue Documents, 1930, n° 4). C'est en 1955 que Georges Bataille publie Lascaux et la naissance de l'art. Deux ans auparavant le Musée d'Art Moderne de Paris avait organisé une exposition au titre évocateur pour Mélik : "40.000 ans d'art moderne : la naissance de l'art dans les grands sites préhistoriques" (12 février - 15 mars 1953).

Couverture du catalogue de l'exposition (avec sa main négative)
 Mélik n'était pas un peintre perdu dans son siècle et il faut retrouver le contexte culturel et artistique pour saisir une oeuvre aussi forte que Rupture. On peut l'imaginer déambuler dans l'exposition de 1953, ou lisant le livre de G. Bataille. En tout cas sa réponse au critique d'art Alain Benoit indique bien qu'à ses yeux sa peinture incarne la continuité de l'art depuis sa naissance à la préhistoire ( "Quel est le peintre des siècles derniers que vous admirez le plus ?, Edgar Mélik : "moi, grâce surtout à mes racines antérieures millénaires.", archives du musée Edgar Mélik, Cabriès).

Giacometti, Trois personnages dans un pré, 1930 (oeuvre détruite)



















 




 Mais loin d'être informe, ce rocher-menhir évoque un visage sculpté vaguement anthropomorphe (une sorte de Moaï de l'île de Pâques). Le plus étrange est un arc de feu qui sort de la main de l'Homme pour électriser la pierre dressée, évocation des cultes les plus anciens de l'humanité (le "colossos" était une pierre informe que les anciens Grecs dressaient comme signe d'une tombe).



 Une énergie parcourt le bord de la pierre en ondulant. Mélik a liquéfié la matière verte avec infiniment de tact. La pierre de séparation est foudroyée pour recevoir toute l'énergie de la colère et  la conduire vers le sol sans atteindre l'être aimé ?  Ce bloc, synthèse de pierre et de feu est-il un symbole de la "pierre de foudre" des poètes romantiques allemands célébrés par André Breton en 1933 ? Le poète surréaliste admiré par Mélik écrivait : "Ce n'est pas en effet la moindre gloire des romantiques que d'avoir pris conscience du fait que les vraies possibilités du génie artistique gisent seulement dans les ombres du coeur. Quiconque, ayant ouvert ce livre, à le reconsidérer dans son éclat sous tous ses angles aura su y reconnaître une merveilleuse pierre de foudre, tiendra, je pense, à savoir sur le plan sentimental de quel orage il est le fruit." (Introduction aux "Contes bizarres" d'Achim d'Arnim (1781-1831); pierre de foudre est le nom ancien pour les aérolithes ou météorites).

Dans la tradition alchimique plus ancienne le silex est une pierre qui renferme du feu. La pierre capable d'étincelle (silex scintillans) devient le symbole du coeur humain qui peut s'enflammer au contact de son Créateur. Mélik a-t-il recréé cet archétype dans son propre inconscient ou a-t-il eu connaissance de la poésie mystique au titre évocateur d'Henry Vaughan (1622-1695), directement ou par l'intermédiaire des romantiques allemands ?

Gravure pour le frontispice de Silex Scintillans, 1650.
                             
Il n'y aurait rien d'invraisemblable à ce que cette pierre soit une symbolisation du coeur enflammé du Peintre qui se représente dans ce geste énigmatique de rupture avec cette Femme, à la fois bien réelle et totalement  mythique dans son inconscient. La phrase suivante de Mélik révèle clairement qu'à ses yeux l'artiste fait oeuvre divine (tradition platonicienne qui revit avec le romantisme allemand), et que la Femme est l'emblème de tout (actualité du surréalisme poétique d'André Breton).

"Doué de l'arme puissante un Dieu tire sur la vie - né de grandes descendances. L'air fond et toutes choses sont une femme - et l'air des champs regorge d'herbes fécondes."

Dans un passage de l'oeuvre poétique de Mélik intitulé  Emerge, on trouve ce texte : "La femme des neiges. A la voir se mouvoir, la grande femme bombée et promener son développement physique de colosse douce dans les joncs, Emerge ralentit son allure et hennit de plaisir. C'est bon qu'elle occupe son espace territorial et le fasse avec elle se mouvoir, c'est généreux, en bonne maîtresse de ses aspirations... Il note : entre homme et femme, s'entendre dans les déchainements physiques obligatoires et supporter entre temps."  
Texte qu'il serait superflu de commenter mais dont l'incohérence apparente est un puissant écho de l'animisme inconscient des sentiments (découverte de Freud en 1913, voir Totem et Tabou, Quelques concordances dans la vie d'âme des sauvages et des névrosés). La Femme, la nature (joncs), Emerge personnifiant Mélik mais qui se métamorphose en cheval comme un dieu antique, les émotions (aspirations, plaisir, générosité), tout se mélange en une scène fabuleuse que tout le monde comprend...

Le tableau de Mélik prend l'allure  d'une projection animiste de la rupture. La nature cosmique est à l'unisson de ce drame entre la Femme et Mélik, le Peintre. Un "coup de foudre" à rebours.  C'est peut-être la clé des formes aberrantes chez Mélik (formes qui dans leur désordre créent un ordre au second degré, ce processus qu'on trouve aussi dans le meilleur de Picasso). Mélik parlait en ce sens du sur-romantisme de sa peinture. La violence des formes aberrantes chez Mélik n'est ni systématique (Picasso) ni aléatoire (Masson). Le tableau de Mélik devient théâtre baroque où les gestes et la nature indiquent la même chose. Et on pense à Antonin Artaud dont l'écrivain Jean Boissieu imaginait la rencontre avec Mélik :
 "Tout cela semble un exorcisme pour faire affleurer nos démons." Image remarquable : exorcisme, chasser les démons. Or Artaud voit un éblouissant paradoxe, ce qu'il a toujours pensé du théâtre,  il est un exorcisme à rebours." (voir Henri Gouhier, Antonin Artaud et l'essence du théâtre, p. 76).

            Un dernier détail exprime l'élégance du tableau : au-dessus de cette Femme aux trois boutons jaunes, un voile nuageux remplit un coin du ciel. Il flotte dans l'espace comme un étendard qui réunit les protagonistes en rupture. Dans cette zone du tableau Mélik a produit des contrastes d'aspérités. Alors que le bleu du ciel est fluide, lisse et liquide, une surface granuleuse crée un réel effet de vibration pour cette frêle Tête qui nous regarde.

 
                Cette scène immémoriale entre la Femme et l'Homme on en connait un peu le sens externe (mais non psychique)  grâce à Mélik lui même. Il insistait sur le fait que cet homme rougeoyant c'est lui, Mélik. Qu'il n'est pas nu mais qu'il s'est représenté portant sa tenue en cuir de cavalier (plusieurs photos de Mélik attestent qu'il portait souvent ce type de pantalon). Il précisait qu'il monte vers son château en s'éloignant de cette femme. Au dos du tableau, Mélik a tracé le texte (cet anti-texte) suivant qui redouble le mystère de l'image :
                                     " Ce vieux château, 
                                         19 octobre 1969.  

                                                                    A Anne, la bien-aimée 
                                                                  de Nous, Edgar Mélik, 
                                                                         merci de l'être 

                                                                                     Melikedgar"

En effet, bien des années après avoir peint ce tableau, Mélik l'offrait à une amie qui venait d'organiser une grande exposition de ses oeuvres appartenant aux collectionneurs Charles de Montmirail et Roger Juramy, au château Saint-Pons, près d'Aix-en-Provence  (janvier 1969, "40 ans de création évolutive"). Cette amie, Anne Rabbe de Saint-Agnan (1917- 2018) recevait ce témoignage écrit en même temps que le tableau. Bien longtemps après,  elle avait en mémoire les propres paroles de Mélik commentant son tableau pour elle seule.  Grâce à elle nous sommes plus près  du sens d'un tableau merveilleusement étrange de Mélik. 

                                     Olivier ARNAUD, secrétaire de l'association des Amis du musée Edgar Mélik

samedi 30 novembre 2019

L' exposition Mélik en ses métamorphoses.



      Arnaud de Villeneuve, directeur du château-musée de Cabriès, a eu l'excellente idée de présenter un ensemble d’œuvres d'Edgar Mélik dans les cinq salles et dans l'atelier. L'exposition est organisée de manière à suivre l'évolution de la peinture de Mélik.

La première salle,  à droite en entrant, présente deux effigies bouddhistes (un Bouddha et un Lama tibétain à la coiffe blanche), Le paysage du Piton sous la Lune à Cabriès, avec au premier plan, un énigmatique personnage au chapeau.  Les tons ocres dominent une peinture marquée par l'intériorité et le mystère.



La seconde salle du rez-de-chaussée présente des toiles qui font une large place aux couleurs chaudes, et deux grandes portes couvertes de peintures de Mélik. Le tableau ci-dessous est typique du thème des Lavandières qui a fasciné Mélik à partir de son arrivée à Marseille. Sous le signe d'un double exotisme, géographique pour un jeune Parisien qui découvre ce travail des femmes au lavoir, et dans ce cas, un certain japonisme du visage. Ici trois femmes accroupies pour leur travail sur des tissus blancs (à remarquer la figure minuscule au fond). Mélik joue avec la réduction de sa palette (blanc, bleu, rouge).


Avant de monter le grand escalier monumental avec sa rampe forgée du XVIII° siècle vous découvrirez quatre dessins réalisés par Madeleine Dinès dont l'oeuvre a été exposée tout cet été au château-musée. Amie de Mélik. Elle est venue plusieurs étés peindre en sa compagnie, à partir de 1948. Ces dessins d'intérieur nous restituent l'univers "spartiate" des pièces habitées par Mélik, avec la présence amicale des animaux (ici, un jeune chat sur un fauteuil). Elle a aussi réalisé un très beau portrait au crayon du maître des lieux. L'association se félicite de la collaboration entre l'association Madeleine Dinès et la Commune de Cabriès qui a abouti au don de ses dessins qui ont une double valeur (celle d'une amitié entre deux artistes, celle de la mémoire des lieux).

Madeleine Dinès, La grande cheminée, Encre sur papier, 36 x 44 cm, don au musée Edgar Mélik

    A l'étage, la scénographie du hall permet d'admirer à droite quatre dessins rehaussés de couleurs. Témoignages anciens du travail de Mélik à son arrivée à Marseille en 1932, celui-ci est particulièrement sensible et émouvant. Une jeune femme assise, avec son simple tricot rouge, esquisse un léger sourire. A coté, un homme s'applique à un geste technique (un panier en vannerie ?)

Mélik observe, après le dur labeur des lavandières, les scènes modestes du travail des rues. Certes, il n'aura pas été un peintre prolétarien comme certaines artistes marseillais à la même époque de l'avant-guerre (comme le furent Antoine Serra, François Diana ou Louis Toncini), mais il a indéniablement posé un regard plein d'humanité sur cette vie populaire qu'il découvrait dans la cité phocéenne.


Dans ce dessin, Mélik fait ressortir la forte présence d'une femme du peuple qui se détache sur un ciel marbré de taches bleues et sa ligne d'horizon. Il joue avec la superposition des couches colorées pour donner une vibration à ce corps anonyme.


Enfin, une jeune fille au visage sculpté et tellement expressif, achève ce cycle d'humanité.  Sa tristesse fait écho à ce dessin hachuré qui morcelle un corps tout en longueur. Dessin sans âge de Mélik sur la féminité, la jeunesse et la fragilité saisies dans une ruelle de Marseille vers 1934.



En face de ce mur aux quatre dessins vous trouverez deux oeuvres tardives de Mélik, dont un visage de jeune femme. A vingt ans de distance Mélik rejoue la réduction de sa palette (bleu, rouge et blanc). Un immense visage, tendu à l’extrémité d'un cou effilé, dont les yeux sont clos. On devine leur bleu grâce à un simple trait, puis de grandes paupières roses et l'arc rouge des sourcils. Que peut bien exprimer cette pose insolite ? Elle est penchée vers un autre visage en réduction (profil et cheveux rouges) qui est posé sur une masse arrondie imbriquée sous la belle ligne du menton. Présence réelle ou imaginaire d'un baiser vers l'être absent ? Pure poésie de l'image !


Dans la grande salle de droite, on retrouve des toiles colorées, notamment cette femme aux amples mèches rouges. Elle porte une grande serviette rouge nouée à sa taille. Elle est sur un rivage de sable blanc avec au loin  des îlots dispersés dans le bleu de la mer. Les gestes de ses bras suggèrent qu'elle s'essuie après son bain.
On devine un témoin que Mélik a décidé de supprimer sans l'effacer (à gauche, une tête d'homme émerge du sable).  Un cas de repentir chez Mélik qui pouvait revenir plusieurs fois sur ses toiles, parfois sur des années. Une sorte de palimpseste où le sujet devient fantomatique sans disparaître.


Un grand tableau récemment encadré  a été identifié par Jean-Marc Pontier (auteur d'une biographie de Mélik de 70 pages à consulter au musée). Il s'agit d'une libre évocation visuelle du poème de Rimbaud, "Le bateau ivre". A côté du tableau vous trouverez le texte et vous n'aurez aucun mal à retrouver les citations visuelles de Mélik dans cette toile qui retrouve ainsi une cohérence littéraire cachée sous son chaos pictural.


La dernière salle est la plus originale parce qu'elle concentre pour la première fois quelques exemples de la recherche de Mélik sur le Nu. Pratique très forte dans les écoles d'art en France, Mélik travaille ce genre à Paris dès 1928. Raymond Fraggi racontait qu'ils étaient plusieurs jeunes peintres à Marseille à louer avec Mélik un modèle pour leur séance de travail. Mélik était le seul à regarder le modèle puis il retournait rapidement son chevalet pour avoir le modèle dans son dos. Il voulait peindre le retour imaginaire de la forme et ne plus avoir à faire contrôler le geste de la main par le regard. C'en était fini de la "peinture rétinienne" (Marcel Duchamp). Mélik libérait l'image, et ce qu'on a pris pour des maladresses d'artistes est l'expression d'un jeu créatif proche de l'art primitif et de l'art des enfants. Depuis la Renaissance le peintre devait soumettre la main au savoir (de type scientifique, si possible) et au contrôle des formes naturelles (réalisme). Avec Miro, Klee et Chagall une autre peinture s'invente. Il faut voir Mélik dans cette perspective. Ne disait-il pas que Léonard de Vinci dessinait bien mieux que lui, mais que cette peinture était trop subordonnée à l'art savant du dessin (la peinture est "cosa mentale"). Or, Mélik affirme, contre la tradition académique, que le dessin et la peinture sont des arts distincts.
 Le plus grand dessin est un Nu allongé, la tête appuyée sur un bras replié. Dessin tardif au trait , et l'on sait que Mélik a pratiqué ce genre jusqu'à la fin de sa vie.

La Femme est le sujet de son imaginaire le plus constant comme le souligne une de ses phrases reproduite dans la salle :  "Doué de l'arme puissante un Dieu tire sur la vie - né de grandes descendances. L'air fond et toutes choses sont une femme - et l'air des champs regorge d'herbes fécondes." Edgar Mélik


Le plus ancien dessin dans la salle est peut-être ce nu dressé avec ses gestes primitifs selon le canon des Nus archaïques de Braque et Matisse... sans doute réalisé dans son atelier parisien, rue de Vaugirard, qu'il quittera en 1932 pour venir à Marseille.

Deux dessins au crayon sont des esquisses à l'antique, une femme de dos, une main posée sur la fesse, l'autre bras passant derrière le cou; l'autre femme est vue de profil avec un bras replié sur ses seins.
Mélik ne cessera pas de peindre le Nu selon des style très différents et des poses expressives.


Enfin, une étude de formes géométrisées de quatre femmes avec leurs propres mouvements de bras et de jambes traduit la réflexion de Mélik sur la structure du corps cubiste, ou futuriste ou encore duchampienne (Nu descendant un escalier, 1912).  Tous ces courants d'avant-garde Mélik en parle dans ses écrits de manière épisodique parce qu'il les a intégrés dans sa formation. Mélik est aussi un héritier qui pratique ce qu'il y a de plus novateur dans la génération précédent la sienne.



             Ainsi, le musée Edgar Mélik et son directeur nous offrent une exposition très variée par les sujets, les styles et les supports. Venez découvrir ou revoir des œuvres extrêmement sensibles, notamment autour du nu et des scènes modestes des rues de Marseille.

                                    Olivier ARNAUD, secrétaire de l'association des Amis du musée Edgar Mélik.






samedi 16 novembre 2019

Madeleine Dinès à l'honneur au musée Edgar Mélik, été 2019


 "La psychanalyse a certes trait à l'individu, mais tel qu'il a dû s'individuer comme être humain au cours de l'évolution, et tel qu'il est contraint de s'individuer inlassablement au cours de sa propre vie.", 
               Jean-Michel Hirt, Les infidèles. S'aimer soi-même comme un étranger, Grasset, 2003, p. 39.

            
 Samedi 9 novembre, Fabienne Stahl,  attachée de conservation au musée Maurice Denis de Saint-Germain-en-Laye, nous a présenté la vie de Madeleine Denis (1906-1996), fille du célèbre chef de file des peintres nabis. Elle manifestera très tôt une vocation de peintre, sous la signature neutre de Dinès, en rupture et dans les traces de son père (voir aussi madeleinedines.com).


  Le musée de Cabriès a mis à l'honneur l'amitié entre deux peintres, fortes personnalités très différentes, Edgar Mélik et Madeleine Dinès. En effet, ils se sont connus à Paris, et elle viendra plusieurs étés, à partir de 1948, peindre et découvrir la lumière de la Provence dans la compagnie de Mélik, dans ce vieux château qu'il restaurait progressivement depuis 1934.
La conférence de Fabienne Stahl nous a fait découvrir une centaine de documents (tableaux de Maurice Denis (1870-1943) et de Madeleine, photos de famille des vacances à Perros-Guirec, cartes postales, lettres manuscrites, etc.), documents rares qui nous firent comprendre un destin de vie et un destin de peinture.

La vocation de Madeleine, quatrième fille d'une fratrie de huit enfants, sera celle d'une enfant profondément aimée par son père pour sa singularité. En se voulant peintre elle sera simultanément fidèle au prestige de son père artiste et en rupture avec l'esprit religieux de sa famille (Maurice Denis et George Desvallières fondent en 1919 les Ateliers d'art sacré, où Madeleine se formera à partir de 1921) comme avec la grande peinture décorative des nabis.

 Le prestige du père :

Maurice Denis, Hommage à Cézanne, 1900, 180 x 240 cm, Musée d'Orsay

Maurice Denis, La visite à Cézanne, 1906, 51 x 64 cm, Musée Granet, Aix-en-Provence


Maurice Denis a été un chef de file pour le mouvement des artistes nabis ("nabi" signifie en arabe l'annonciateur), mouvement d'avant-garde de la fin du XIX ° siècle qui regroupera Paul Sérusier, Paul Ranson, Edouard Vuillard et Pierre Bonnard, entre autres. En 1913 est inauguré le théâtre des Champs Elysées, "théâtre emblématique du modernisme triomphant". Maurice Denis a réalisé l'immense frise de la grande coupole qui développe une conception savante de l'histoire de la musique et de sa spiritualité. Le texte suivant a été écrit par Patrice Imbaud, " Le centenaire du Théâtre des Champs-Elysées : L’histoire d’une fabuleuse aventure…"(https://www.leducation-musicale.com)

"La frise ornant la coupole du Théâtre des Champs-Elysées est la plus imposante des œuvres monumentales profanes de Maurice Denis (1870-1943), fondateur du mouvement Nabis, réalisant une sorte d’aboutissement entièrement dédié à la musique. Véritable chef d’œuvre qui témoigne de l’inspiration chrétienne de sa peinture, de l’importance de son entourage (famille et amis) ainsi que de ses goûts musicaux. Quatre médaillons - La Sonate, Le Chœur, L’Orgue et L’Orchestre - s’intercalent entre les quatre principaux panneaux - L’Orchestique grecque, L’Opéra, La Symphonie, Le Drame Lyrique - où Maurice Denis illustre, par un personnage ou un interprète célèbre, les compositeurs et leurs œuvres, qu’il nomme clairement sur les esquisses datant de 1911. « Quelque chose de son cœur y habite » affirma Henry Cochin, « on est là comme en famille ». En effet, le peintre aime à représenter dans sa frise les visages aimés de sa famille (son épouse Marthe joue du violon dans L’Orchestre et sa fille Madeleine chante dans Le Chœur) ou de ses amis (Blanche Selva est au piano dans La Sonate). Une Sonate qui pourrait être la Sonate de César Franck ou celle de René de Castéra, appartenant toutes deux à l’esthétique symboliste. Le programme musical est élaboré avec l’aide de Vincent d’Indy. 

Maurice Denis, Le Choeur, Esquisse préparatoire, 1912 (Madeleine Denis est au milieu du groupe des petits chanteurs à gauche).

Le choix des œuvres et leur organisation dans la frise correspondent à certaines idées prônées par le maitre de la Schola Cantorum dans son Cours de composition musicale, développant les formes à travers leur évolution présentée comme une continuité issue d’une source commune. La frise de Maurice Denis est fondée sur cette idée : les différentes formes musicales constituent des maillons d’une même chaîne…reliant le passé au présent. L’art n’a pas de fin. Maurice Denis fut conforté dans cette notion de continuité musicale par Maurice Emmanuel (1862-1938) qui fit paraître son Histoire de la langue musicale en 1911, dans laquelle il retrace l’évolution du langage musical de l’Antiquité jusqu’au début du XXe siècle, fortement influencé par le positivisme de Spencer. La rencontre des deux hommes se fit probablement à Saint Germain en Laye, au cénacle des Franciscaines où peintre et compositeur se croisent fréquemment lors des répétitions et concerts de la chorale, défendant ardemment les travaux de Georges Houdart dans l’interprétation de la musique grégorienne. De cette rencontre et de cette amitié naîtra une correspondance alimentée par des échanges théoriques et esthétiques. Maurice Emmanuel s’avère être un lecteur passionné des écrits de Maurice Denis. Dans Théories, datant de 1912, le peintre redéfinit sa position, affirmant son retour à l’imitation de la nature et à la discipline classique. Le tableau contient les symboles d’une émotion que l’artiste traduit par des déformations subjectives, en restant toutefois fidèle aux exigences classiques. La nature doit être suggérée, interprétée mais rester identifiable. L’heure n’est plus à la peinture des impressions, mais plutôt à celle des symboles de l’âme.

  
Même après la disparition des Nabis, Maurice Denis restera fidèle à la voix symboliste, soutenu en cela par ses proches amis, comme la pianiste Blanche Selva : « Représenter, symboliser nos émotions, c’est travailler sur notre fond le plus intime, c’est dégager les mystères de la vie intérieure, la claire figure de notre foi… ». La définition symboliste et religieuse de l’œuvre d’art semble répondre aux préoccupations idéalistes et spirituelles des deux artistes se trouvant réunis autour des valeurs humaines et esthétiques que véhiculent le chant grégorien, la musique traditionnelle et l’art antique. Au plus profond de leurs convictions L’Orchestique grecque rythme la pensée des deux artistes ». Maurice Denis, dans sa frise, tente de relier tous les panneaux à leur origine, l’Orchestique grecque. Dans ce même esprit, on retrouve dans le panneau consacré à L’Opéra, Orphée et Eurydice, rattachant l’opéra à la tradition orphique. Maurice Emmanuel et Maurice Denis sont, par ailleurs, des admirateurs de Camille Saint-Saëns et de Puvis de Chavannes, tous deux modèles d’un art qui valorise l’expression de l’idée et du sentiment. Le panneau Le Drame Lyrique, comme un hommage, représente Samson et Dalila (opéra de Saint-Saëns) par une jeune fille nue, assise dos au spectateur, exactement comme dans Vision Antique de Puvis de Chavannes. Maurice Denis construit sa frise autour de deux compositeurs qu’il vénère : Richard Wagner et César Franck. Autour de la nuée de la verrière centrale se dessine une histoire de la musique en forme de croix. La lecture de la frise n’est donc pas circulaire comme le laisserait prévoir la forme de la coupole, mais elle suit une ligne diamétrale tendue de la scène à la salle. Elle se termine par le triomphe de Wagner dans le panneau Le Drame Lyrique avec l’image tutélaire de Parsifal élevant le Graal au-dessus de la salle. La partie centrale de ce panneau est symboliquement occupé par les héros wagnériens : Brünnhilde casqué et son cheval Grane sur lequel est étendue Sieglinde, Wotan portant sa lance, Tristan et Isolde, Siegfried, les Filles-Fleurs, auxquels s’associent Salomé faisant danser son voile (opéra de Richard Strauss), Manon et le Chevalier Des Grieux (opéra de Massenet), entourant Parsifal. Alors qu’il peint sa frise, Maurice Denis assiste, en juin 1911, à la première exécution intégrale, à l’Opéra Garnier, de L’Anneau du Nibelung de Richard Wagner, dirigé par Félix Weingartner. Il en sort très ému. Mais plus encore, c’est l’image de Parsifal qui l’impressionne. Achevée en 1882, l’œuvre qui s’inspire de la légende du Graal est, pour lui, l’aboutissement musical et spirituel de Wagner, entièrement liée à la philosophie et à la vocation religieuse de l’œuvre d’art, symbole de la quête artistique, mystique et chrétienne dans laquelle il se retrouve. Une inspiration déjà ancienne dont on retrouve trace en 1893, alors que le peintre réalise le premier des trois plafond qu'il réalisera pour son ami Ernest Chausson. Il cite  à cette occasion le dernier vers du Parsifal de Verlaine : « O voix d’enfants chantant dans la coupole ! ». Élevant la coupe du Graal, Parsifal se situe dans la frise en face du panneau présentant l’origine de la musique, entre les deux médaillons La Sonate et L’Orgue.

       Le peintre semblait tenir beaucoup à cette disposition spatiale en forme de croix, d’un coté, Apollon représentant Harmonie et Paganisme, en face, diamétralement opposé, Parsifal symbolisant l’Expression et le Christianisme. Outre Wagner, Maurice Denis voue une admiration toute particulière à César Franck qu’il considère comme le plus mystique de nos musiciens, dont les Béatitudes sont représentées par une muse à la main levée, située entre Mélisande (opéra de Debussy) et Louise (opéra de  Gustave Charpentier) et accompagnée des « figures d’âme » aux robes blanches qui s’envolent symboliquement vers le centre de la coupole, en écho aux « jeunes filles flottantes » de Puvis de Chavannes. Nombre de compositeurs et d’amis ont prêté leurs traits aux différents personnages de la frise. Citons par exemple : Yvonne Lerolle en Mélisande, Vincent d’Indy et Ernest Chausson en muses, et bien d’autres encore..."

Lien singulier entre père et fille

                    Maurice Denis, Croquis de Madeleine à trois mois, carnet 19, 1906,catalogue raisonné Maurice Denis

En 1921, Madeleine a 15 ans, elle accomagne son père pour un long voyage de trois mois en Algérie, Tunisie et Maroc. Voyage initiatique pour la découverte d'un monde exotique et du travail spontané des esquisses colorées de son père.
                                             Maurice Denis, Croquis de Kairouan, carnet 66, 1921, catalogue raisonné Maurice Denis
Madeleine sur un chameau, album photographique, 1921
 Un lien très fort s'établit entre cette jeune femme qui affirme son indépendance et son père artiste qui admire cette vocation naissante.  Dans ce tableau elle est en burnous blanc (souvenir de ce voyage initiatique au Magreb), au centre de la vie familliale pendant les vacances.

Maurice Denis, Soir près de la Tour, 1925,catalogue raisonné Maurice Denis


Formation à la peinture au sein des Ateliers d'art sacré fondés par Maurice Denis et George Desvallières en 1919.
Madeleine (premier plan, au centre) aux Ateliers d’art sacré, vers 1925
      Malgré le climat religieux spécifique aux Ateliers d'art sacré dont elle s'éloigne intérieurement, Madeleine s'y forme à la peinture et y trouve peu à peu sa voie picturale. Elle n'a que vingt-et-un ans quand elle écrit notamment : "parce qu'au milieu de ce siècle d'intellectualisme faux il est le seul qui sache faire crier son coeur (...) La peinture c'est le coeur qui crie, c'est un coeur qui pleure, c'est un coeur qui s'écrase sur la toile et le sang qui gicle partout. Desvallières  tient à grand peine son coeur trop lourd, trop gonflé  et avec force, avec ardeur il le frotte, il le promène sur la toile. C'est pour cela qu'il est un grand peintre." (Journal inédit de Madeleine, 1927, cité par Elodie Bouygues, Catalogue d'exposition, Cabriès, p. 27). Elle saisit très bien l'intériorité authentique des êtres, y compris religieuse, comme le montre ce portrait du jeune dominicain, le Père Couturier qu'elle a connu aux Ateliers d'art sacré et qui convaincra de grands artistes étrangers à la foi de travailler pour des commandes de l'Eglise (Le Corbusier et le couvent de l'Arbresle, 1959)

Madeleine Dinès, Portrait du Père Couturier, vers 1926, musée des Années Trente, Boulogne-Billancourt

Madeleine choisira de partager sa vie avec le poète Jean Follain, qu'elle épouse en 1934, une vie très libre, chacun habitant de son côté jusqu'à une vie commune en 1954 dans leur appartement place des Vosges.

Maurice Denis, Portrait de Jean Follain, 1942, musée de St-Lo

        La conférence de Fabienne Stahl clôt un cycle ouvert en juin 2017 quand Elodie Bouygues, spécialiste de poésie contemporaine à l'université de Franche-Comté, est venue nous parler d'une "Amitié de peintres, Madeleine Dinès et Edgar Mélik".

       La connaissance de la vie de Mélik allait s'enrichir d'une nouvelle séquence déclenchée par un hasard objectif, comme aurait dit André Breton. Séda Mélik, fille du poète Rouben Mélik (cousin germain d'Edgar, voir https://www.amisroubenmelik.com), a déposé les archives de son père au sein d'une institution prestigieuse, l'Institut Mémoires de l'Edition Contemporaine (IMEC, abbaye d'Ardenne, près de Caen). Une bibliothécaire de l'IMEC lui signale qu'une correspondance Edgar Mélik se trouve dans le fonds du poète Jean Follain. Il s'agit de la correspondance d' Edgar Mélik adressée à Madeleine (qu'il appelle affectueusement " ma Deleine"), trente-trois lettres de 1948 à 1962 qui nous renseignent sur la vie et les idées de Mélik.
Photo Madeleine Follain, archives  Famille Denis

Dans la correspondance se trouve une lettre-rébus très originale qui nous révèle le style humoristique du dessin de Mélik, le train à vapeur avec son passager, et le château de Cabriès avec ses deux tours ! 

 "TRAIN ce soir en route pour CHATEAU; décidé cela tout à l'heure par suite lettre reçue; Mad.        vous expliquera, regrette beaucoup vous manquer; à bientôt; vôtre ami à vous M-E", Fonds J. Follain, IMEC. 


                  A la suite à cette conférence, Elodie Bouygues proposera au musée de Cabriès une exposition Madeleine Dinès qui sera inaugurée le 29 juin 2019 (fin, 9 novembre). Une très beau catalogue -  toujours en vente au musée Edgar Mélik - a été réalisé pour la redécouverte de cette artiste  (Madeleine Dinès, Chants terrestres) par les deux commissaires de l'exposition, Elodie Bouygues et Fabienne Stahl.
Une salle de l'exposition était consacrée à des documents inédits sur l'amitié entre Madeleine Dinès et Edgar Mélik, essentiellement à Cabriès et ses paysages.

Madeleine Dinès, Vue de la terrasse du château d'Edgar Mélik, 45 x 65 cm, collection particulière

Madeleine Dinès, Trois soleils, 55 x 46 cm, collection particulière

Quatre dessins à l'encre témoignent de l'intimité des deux amis peintres. Ils sont aujourd'hui des témoignages d'un état disparu. Les deux esquisses du portrait de Mélik nous frappent par l'impression du volume sculpté donné au visage. Il est à noter qu'on ne connait pas (encore ?) de portrait de Mélik peint par Madeleine (genre qu'elle a admirablement traité dans une galerie de visages présentés au musée cet été), ni de portrait de Madeleine par Edgar Mélik (il en existe de bien d'autres personnages qui ont traversé la vie de Mélik). 
La cheminée, la table et le fauteuil avec son chat du moment !
Madeleine Dinès, La belle rampe en fer forgé du château d'Edgar Mélik

Un petit album  de quatre portraits photographiques de Madeleine réalisées avec son appareil par Edgar Mélik rappellent les jeux d'ombre des surréalistes des années 1930 (Man Ray et Salvador Dali). 


Grâce aux recherche d'Elodie Bouygues, les amateurs découvrent un tableau parfaitement inédit de Mélik qui s'est trouvé dans le bureau de Madeleine Dinès jusqu'à sa mort. Témoignage de la permanence de l'amitié entre ces deux êtres si différents par leur mode de vie et leur style.  C'est à Madeleine Dinès que l'on doit de connaître ce tableau (non localisé) si étrange dans la production de Mélik (c. 1938) avec son décor très architecturé (un cadre rouge de porte, un escalier en pierre qui descend vers l'eau,   un quai avec quelques gros pavés, un pan de couleur jaune) et au premier plan une jeune femme aux longs cheveux rouges accompagnée par une femme plus âgée avec une coiffe de type provençal...

Edgar Mélik, Deux âges de la femme, ancienne collection Madeleine Dinès (non localisé)


C'est à la générosité et au travail de Fabienne Stahl et d'Elodie Bouygues, au soutien de Patricia Lazarro, adjointe en charge du musée de Cabriès, et  d'Arnaud de Villeneuve, responsable du musée Edgar Mélik, que l'association des Amis du musée Edgar Mélik doit le plaisir de la découverte d'une artiste et de son histoire familiale, d'une amitié entre notre peintre et une femme attachante.
'Destin de vie, destin de peinture' et 'Destins croisés' qui se prolongent ainsi au-delà du vide, ce dont témoignent ces deux tableaux de nos protagonistes, Madeleine représentant le vieux cimetière de Cabriès, et Mélik imaginant une scène baroque pour deux femmes se promenant le long d'un cimetière (voir edgarmelik.blogspot.com › 2019/09 › edgar-melik-insolite-arabesque, sur ce blog).

Madeleine Dinès, Le vieux cimetière de Cabriès et son paysage (non présenté à l'exposition Chants terrestres)



Edgar Mélik, Promenade, 71 x 51 cm, HSC, c.1955, collection particulière



                         Olivier ARNAUD, secrétaire des Amis du musée Edgar Mélik