samedi 22 décembre 2012
samedi 1 décembre 2012
Edgar Mélik chez Alain Paire
C'est un très beau dessin de Mélik, certainement assez ancien. On pourra l'admirer (avec trois autres oeuvres de Mélik) à partir du 5 décembre à la galerie Alain Paire, rue du Puits neuf à Aix en Provence.
Je publie ici le commentaire d'Alain, très éclairant sur cette oeuvre et les autres présentées à la galerie :
Je publie ici le commentaire d'Alain, très éclairant sur cette oeuvre et les autres présentées à la galerie :
Rappel : vernissage de l'exposition ce mercredi 5 décembre à 18 h 00.
lundi 26 novembre 2012
Mélik dessine Piaf
mardi 20 novembre 2012
Hubert Juin : 3° partie, par Olivier Arnaud
La troisième partie s’intitule : Notes conjointes à la peinture d’Edgar
Mélik.
L’espace
dynamique : Quelle est la valeur de l’espace dans la peinture de Mélik ? Hubert
Juin va le dire après un détour rapide
par le problème de l’espace pictural dans l’histoire. En arrivant à Cabriès, en
1953, il a déjà une bonne connaissance des théories de l’art (Bernard
Berenson, Auguste Schmarsow, Henri
Focillon). Il est au clair sur les grands problèmes de la peinture concernant l’espace, la lumière, le mouvement
ou dynamisme. Il a déjà lu le livre d’André Masson, Le Plaisir de Peindre (1950) dont il fera une longue analyse dans Critique, l’année suivante
(« L’homme à l’intérieur du paysage », 1954, n° 88, pp. 754-770). Il
ne cache pas ses doutes sur l’évolution dominante de la peinture moderne où le
dessin et la couleur (dans l’abstrait comme dans le figuratif) l’emportent sur les valeurs proprement
picturales liées à l’espace.
« La
peinture, ce n’est plus peindre, c’est meubler une surface. Le métier instauré
nécessite un vocabulaire dont les termes dominants – angles, plans, lignes … -
auraient étonné les siècles d’expression picturale », Critique, p. 755. Il vise le courant du
formalisme abstrait qui s’est efforcé de définir un code universel à partir de
couleurs et de figures simples (Kandinsky, Mondrian, Auguste Herbin). Il cite
Juan Gris, « La seule technique
picturale possible est une sorte d’architecture plate et colorée. ». « Jamais
autant qu’à notre époque l’espace peint n’a été considéré de pareille façon comme
lieu de démonstration d’un dessin fermé » (Critique, idem). La conquête de l’espace en peinture, l’utilisation
de la troisième dimension, la profondeur, a portant donné à la peinture sa
véritable signification (la composition spatiale).
« Dans
les œuvres de Raphaël, ce qui sépare les personnages ou les objets est doué du
même coefficient de réalité tactile que ces personnages et ces objets
eux-mêmes. » (Critique, idem).
A ses yeux, c’est avec Cézanne que le problème de
l’épaisseur de l’espace (la transparence) a reçu une nouvelle évidence
picturale quand il a retrouvé l’union perdue entre la sculpture et la peinture.
Il y a donc bien une multitude d’expériences possibles de l’espace en peinture
(jusqu’à sa disparition quand on en revient à la surface), et Hubert Juin en
fera l’analyse à la suite d’André Masson (sur Métamorphose de l’Artiste, 1956, dans Critique, 1957). Son jugement sur l’espace dans la peinture de
Mélik sera tout sauf une idée vague quand on aura pris connaissance du poids de
ce débat des années 1950. « On
peut remarquer que l’espace joue en peinture un rôle considérable et souvent
limitatif » (1. l’espace décoratif justifié, dit-on, par
l’établissement de certains plans
sensibles). 2) « L’espace
pictural conçu comme une chambre close dans laquelle des formes se voient et
sont supposées se mouvoir» (le seul exemple dynamique est celui de
Vermeer). Ou encore le tableau conçu comme 3) la limitation d’une fenêtre (p.35).
A cette présence restrictive de l’espace en
peinture s’oppose sa représentation dans les peintures asiatiques :
« l’Orient a substitué à l’espace
statique ce que l’on pourrait nommer l’espace dynamique, c’est-à-dire l’espace
conçu comme élan vital » (p. 35). Dans les références exotiques et codifiées des arts depuis le début du XX°
siècle Hubert Juin oppose l’immobilité qui engendre un espace plat, et le
dynamisme qui engendre la composition spatiale. « Les
peintres modernes, voulant dépasser les dernières œuvres de Cézanne, virent
stylisation là où il y avait picturalisation et firent appel à des arts
extrêmement immobiles (le mouvement y étant lié, lorsqu’il existe, à
l’inobjectif) : art nègre, art thébain [curieusement Juin écrit
« procession thibétaine, p. 11, et de même dans l’article de Critique],
art océanien, art sumérien, etc. Sans doute est-ce ce travail de stylisation
(cloisonnement), importance de la ligne, soumission de la couleur au contour
qui fait que notre époque – de l’époque post-cézannienne – une époque de
dessinateurs », Critique,
1954, p. 760.
A l’expressionnisme abstrait (Georges Carrey,
Chapova, Mathieu), comme au cubisme tardif, Hubert Juin oppose et préfère
l’organisation des formes entre elles de la peinture de Soulages, son
expérience d’un espace comme dramatique, sa sombre énergie, et en général le
dynamisme de l’abstraction lyrique de l’Ecole de Paris (le rayonnement de Poliakoff, l’éclatement
de Zao-Wou-Ki, l’émiettement de
Vieira da Silva). Il aime l’abstraction mais refuse la codification abstraite
qui venait d’être l’objet d’une polémique sur la signification de cette
peinture (cf. pamphlet de Charles Estienne, L’art
abstrait est-il un académisme ? date de 1950). « Comme
si, à la fin, la peinture avait disparu en tant que profondeur, espace et
anatomie picturale au profit de contours lisibles dans l’immédiat et
soigneusement emplis de tel ou tel ton, cette différences des à-plats n’ayant
finalement d’autre raison d’être que celle de séparer les volumes les uns des
autres. » (Critique, 1954, p. 761). Alors, à partir de cette querelle oubliée mais
centrale du début des années 50 (non pas abstraction ou figuration, mais picturalisation
ou dessin) qu’Hubert Juin connaît parfaitement, que vaut la peinture de Mélik qu’il vient de
découvrir ? « Et
Mélik est l’un des rares exemples de peintre qui s’efforce de faire oublier la
surface donnée. » (p. 35). L’opposition entre peinture et dessin est
tellement prégnante pour le sens de la peinture actuelle qu’Hubert Juin
dressera trois fois de suite Mélik seul face « à une époque de dessinateurs » (p. 63, 66 et 67).
Edgar Mélik, collection privée
Pour le moment il désigne ce qui introduit le
dynamisme dans les toiles de Mélik. « C’est
par le truchement d’un souffle créateur – qui apporte à l’âme toute une brassée
d’images – que l’on peut retrouver le pays dont on est l’homme. » Puis
il évoque toute une géographie plus ou moins imaginaire qui fait le paysage de
Mélik : « Le Rocher Percé
[ouverture dans la Sainte-Victoire], les
coulées de étangs – de Courson à La Palme – le Ventoux aux sources à peine
moins visibles qu’un envol d’abeilles… tout cela pris au creuset de
l’imagination humaine, enfante les seuls édits de la vie pleine » (p.
36). Pourquoi cette référence aux étangs du côté de
Narbonne ? Probablement signe vers Céret et Collioure, naissance du
cubisme avec Picasso et Braque, mais aussi Masson, Gris, Herbin, Picabia,
Chagall et Matisse. En tout cas triangle imaginaire entre le Ventoux au Nord,
bien visible depuis les terrasses du château, la Sainte-Victoire à l’Ouest, et
la coulée de étangs au Sud-Est.
La peinture est « poétique » : « Lorsque
le peintre se mesure à la toile vierge qui est posée sur son chevalet, il fait
intervenir dans le signe qu’il va tracer sur cette toile non seulement toute
l’expérience du monde qui est la sienne, mais encore toute une conception du
monde qui est la sienne. Il va s’en prendre à la totalité du monde. Il va
répondre à la totalité du monde. Le monde et le désordre de la nature apparaît
au regard de l’artiste magicien comme un défi : il voudra opposer à ce
désordre un ordre. Par une œuvre qui
dans sa totalité répond à la totalité du désordre », Critique, « Mésaventures de l’art
abstrait », 1957.
Cette très haute idée de la signification de la peinture, Hubert Juin la
retrouvera chez Soulages (Critique,
1957, et Soulages, Le Musée de Poche,
1958), mais pour le moment il est l’hôte de Mélik. Sa peinture est un message
adressé aux hommes pour que ceux qui portent en eux ces Valeurs (Liberté, Age
d’Or, Amour, Espoir, Candeur) s’y reconnaissent. A la totalité du désordre du
monde et de la nature que le peintre ressent comme défi il a répondu par une
autre totalité, celle d’un ordre qui sera cette fois-ci expression de la Liberté.
Pour Hubert Juin ce fut déjà la réussite de Cézanne. « Par l’entremise des valeurs picturales, il
pensait un monde intelligible et groupé autour de l’homme comme autour de la
seule chose qui puisse, précisément en le pensant de cette façon, le rendre
intelligible », (Critique,
« L’homme à l’intérieur du paysage », 1954, p. 760).
En quoi la peinture de Mélik correspond-elle à ce
message de la liberté du peintre adressé à la liberté du spectateur ? « Montrer
à celui qui obéit à tel ordre de noblesse, à telle grandeur même, que c’est, au
fond, aux discours de la vigne brûlée de sel qu’il est fidèle » (p.
36). Ordre de noblesse, c’est-à-dire chevalerie spirituelle que le peintre indique aux autres
hommes. Ainsi s’éclaire tout ce vocabulaire dispersé qui semble tout d’abord
ésotérique, mais qui ne fait que reprendre à l’époque une Idée nietzschéenne largement
partagée (« affirmation d’un Bon
Sens impitoyable », p. 12, « instaurer
l’ordre de la Haute Sagesse », p. 16, « c’est Nietzsche le Sage », p. 17, « ce rendez-vous de la clarté du fond des ténèbres, c’est ce que « Nietzsche appelait
l’ENIGME DU GRAND MIDI », p. 27). Poète de la philosophie, Nietzsche trouve un
immense écho dans les milieux artistiques et littéraires de l’entre-deux guerre.
La passion d’une vie supérieure indispensable à l’artiste (animal, humain, surhumain) et l’art
comme création sont des idées constitutives de l’autoreprésentation de l’artiste
du début du XX° siècle (l’écrivain en avait bénéficié au XIX° siècle grâce au
romantisme). Sa rébellion contre l’idée
purement théorique de l’univers dans lequel il n’y a pas de place pour l’homme
conduit à réévaluer l’art face à la science. « « Humaniser l’univers, c’est-à-dire nous en
sentir de plus en plus maîtres ».
Nietzsche est le porte-parole de tout homme qui, excédé par l’univers de
Platon, entend ne plus être une nature, mais une volonté, une puissance, une
volonté », Etienne Gilson, Introduction
aux arts du beau, Vrin, 1963, p. 167). Dans la mesure où Mélik partageait, comme Hubert
Juin, cette très haute idée de l’Art, il est le produit de son temps. Plus
personnelle est la transition de la peinture de Mélik de la force mystique à la forme magique (de Dionysos à
Apollon), de la participation mystique aux métamorphoses du monde à la Liberté
créatrice d’un ordre solaire. Transition
de l’inhumain vers le surhumain puisque l’artiste affronte le désordre du monde
et de la nature pour lui opposer son propre ordre. « En ce qui concerne la première phase de l’évolution du peintre, le
Nietzsche de la puissance, de la domination et de l’immanence dionysiaque a –
bien entendu – joué un rôle de premier plan. Ce Nietzsche de l’ivresse devenait
le pilote aveugle du « Bateau ivre » et, cloué aux poteaux des
couleurs, le peintre Mélik remontait les constellations, porté par les orages
cosmiques, de la Création du monde jusqu’à l’Apocalypse. » (p. 17). La
vision hallucinée proposée par Hubert Juin évoque bien cette participation mystique
au désordre cosmique. « Dans
la seconde phase de l’évolution c’est Nietzsche le Sage, Nietzsche
l’Apollinien, maître des bacchantes et allié à la tempête (non plus ni son
esclave, ni son maître, mais l’éblouissant pair de ses tumultes) qui joue un
rôle pour le graphisme intellectuel de Mélik » (p. 17). Maintenant la totalité du désordre du monde trouve
sa réponse dans la totalité d’une expérience artistique pacifiée. Ces
classifications nietzschéennes converties en grille de lecture artistique sont
classiques à l’époque (chez Pierre Francastel et Gaëtan Picon par exemple). Si la très forte transition
de la peinture de Mélik renvoie à une évolution personnelle elle n’est pas
séparable du débat très vif en France sur l’impuissance de Nietzsche à faire aboutir
son propre héroïsme (Thierry Maulnier, Nietzsche,
1933, et « Défaites de Nietzsche », Revue hebdomadaire, 1933 ; Ramon Fernandez, L’homme est-il humain ?, Gallimard,
1936 ). Entre les différentes figures proposées par Nietzsche (Dionysos et
Apollon), Mélik a choisi, et Hubert Juin
célèbre cette transition qu’exprime un art moins soumis aux métamorphoses chaotiques
du réel.
Nouveau
Sisyphe : Les mythes
créés par Nietzsche laissent place à une autre figure mythique, Sisyphe. Curieusement,
une toile de Mélik a choisi de représenter « Sisyphe sur terrain plat, son rocher enfin immobile » (p. 36). Contre le châtiment absurde des dieux absurdes
Mélik a imaginé la coïncidence des contraires. Avec Francis Ponge au même
moment il récuse « le pessimisme existentiel » d’Albert Camus
(« La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme.
Il faut imaginer Sisyphe heureux », Le
mythe de Sisyphe, 1942). « L’espoir
ne peut aller sans cesse dans la direction des volcans carnivores que si, les
contraires miraculeusement abolis, il finit par se confondre avec le souverain
et inactuel désespoir. Peignant son
Sisyphe sur terrain plat, Mélik donne une figuration éblouissante de la pierre
philosophale. Ce n’est que sur le terrain plat que Sisyphe peut établir sa
domination à la fois sur la Vie et sur la Mort, à la fois sur le Passé et
l’Avenir, chacun des termes infiniment antinomiques se confondant en un point
de solution définitif (le point surréaliste) », (p. 36). L’œuvre du peintre
confirme le rôle alchimique de l’art qui opère la synthèse et le dépassement du
réel vers le Réel, et qui quitte le monde absurde imposé à Sisyphe par les
dieux pour créer son propre espace où
les contraires s’unissent. L’Art est
visiblement un dépassement de la condition humaine, puisqu’il lui substitue une
synthèse impossible. Punir Sisyphe pour son désir d’éternité ? C’est toute
l’absurdité des dieux. L’Art seul fait admettre la Mort : « … jusqu’au moment où, sortant de ses
cent-soixante palais de jade, l’Absence centrale enfin instaure le Silence »
(p. 36). C’est l’époque où le
philosophe Ferdinand Alquié, proche des
surréalistes et de Joë Bousquet, donne ce titre à son livre devenu célèbre (Le désir d’éternité, PUF, 1943). Il consacrera
plus tard en Sorbonne la Philosophie du surréalisme (Flammarion,
1955).
L’Art
annonce l’Age d’Or : Si
la littérature a bénéficié du romantisme au XIX° siècle, les arts plastiques se verront propulsés de
l’esthétique à l’ontologie grâce au surréalisme. On assiste alors à une
généralisation de l’idée de Rimbaud, « la
poésie est alchimie du verbe ». La conception que Mélik avait de sa
peinture est à cette hauteur, et elle était le fruit de cette rupture. Hubert
Juin associe la « confusion
perpétuellement souhaitée des arts » à l’Age d’Or (p. 37). L’horizon
de cette conception révolutionnaire des arts n’est rien moins qu’une « définitive libération de l’homme »
qu’ils sont les seuls à pouvoir annoncer. L’art du rêve (Freud) a fait place à
un rêve de l’art (le « réalisme de l’irréalité », G. Bachelard1951). Cette exaltation lucide est celle du courant
surréaliste : rupture avec un monde oppressant et barbare, désir d’un
monde pacifié dont l’art montre la voie. Le poète Ponge fait sienne la conception du poète
selon Lautréamont : le poète doit être « plus utile qu'aucun citoyen de sa tribu » (Poésie II) parce qu'il invente le
langage qu'emploieront ensuite les journalistes, les juristes, les négociants,
les diplomates, les savants. Justement Hubert Juin partage cette sensibilité
avec Mélik formé au creuset du Montparnasse des années 30. « L’herbe
unie au nuage et le requin à la mouette, le feu mental ne risquera plus de
s’éteindre et deviendra propriété de tous. La parole d’Eluard : « Le
poète est celui qui inspire plus que celui qui est inspiré » fera place à
la parole de Lautréamont : « La poésie sera faite par tous, et non
par un» » (p. 37).
Peinture
métaphysique : « Gratitude aux horribles travailleurs ».
Hubert Juin répète deux fois la formule de Rimbaud pour désigner dorénavant
tous les artistes qui inventent dans la
solitude, face au désordre du monde,
afin d’annoncer par leurs œuvres un monde solaire. La peinture donne réellement une signification
métaphysique à l’homme. Hubert Juin le pense et convoque le titre de la toile
de Gauguin : « D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où
allons-nous ? ». L’origine, la nature et la fin de l’homme sont les
questions que l’Art pose aux hommes. Avec cette synthèse pour une mythologie
personnelle (1897) c’est sans s’en rendre compte exactement que Gauguin ouvrit « une porte par laquelle il nous est indéfiniment possible de
passer » (p. 38).
« Lorsqu’Edgar
Mélik, dans sa solitude dominée d’étoiles, peint telle ou telle de ses
dernières toiles, je crois que la signification bouleversante de ses tableaux
lui échappe et qu’ainsi il ne cesse de donner à celui qu’il sera des
rendez-vous capitaux » (p. 38). Les tableaux de Chirico interrogent encore,
alors même qu’il a trahi sa propre peinture (retour à l’art-imitation et
fascisme). « L’aventure,
magnifiquement, continue » (p.38). C’est bien la présence de l’homme à l’univers que
l’art interroge. « Aujourd’hui
enfin le peintre se mesure à la « réalité rugueuse à étreindre». Il est le paysan de Rimbaud. Mais cette “réalité
rugueuse”, à notre surprise n’est pas faite d’une cafetière et de deux pommes.
Elle est faite de signes qui lui répondent... Encore ces signes pourraient-ils
être une cafetière et deux pommes, mais inscrits dans un rapport formel significatif. Devant la chaise de paille de
Van Gogh, qui donc dira : “ Tiens, une chaise!” Il en va beaucoup plus. Très
exactement d’une conception du monde. Et cependant : combien de chaises déjà dans l’histoire de la peinture?”
Critique, 1957. Rimbaud, Adieu,
Une saison en enfer : “Moi !
moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au
sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan
! »
Les
corps transfigurés : Si
l’univers interroge l’homme, l’homme s’interroge sur lui-même. « La poésie ! Qu’est-ce d’autre que ce
cri dans lequel une femme se dévêt ? Ce qui vient à notre rencontre, c’est
nous-mêmes – et dans les mains de ce double que le futur nous livre, une
palpitation d’épervier fixe les diamants de la possession délirante »,
(p. 38). La Femme, présence démultipliée dans les toiles de Mélik, inscrit l’homme dans
le questionnement intime à partir de ce double de lui-même, comme dans le
tableau de Gauguin où la présence exclusive des femmes interroge mieux sur sa
propre conscience de soi. Certains tableaux de Mélik donnent cette « impression de se trouver devant un
sobre univers où tout est symbole. Devant un univers dominé par le thème de la
conception. La symbolique sexuelle perd son poids et acquiert une vertu :
celle de coordonner les rapports mystérieux, les rapports miraculeux qui
joignent l’être à l’être, et l’être à l’objet », (p.38). Le peintre s’empare de la dualité des sexes pour
exprimer, grâce à des valeurs proprement picturales, la rencontre miraculeuse
de deux sujets, comme la perception l’interroge sur le lien mystérieux entre le
sujet et l’objet. Hubert Juin a fort bien senti ce mystère de la Femme chez
Mélik, où elle devient symbole infini (maternité, enfance, douceur, désir,
beauté, amour). Mais les peintres multiplient aussi les symbolisations à partir
du même être. « La
grande affaire de Rubens, c’est la Mort. Les corps sont peints à l’instant de leur plus haute
splendeur charnelle. Mais la mort est déjà présente. Rubens a peint ici ce
moment intermédiaire entre l’élan et la chute. Rubens est aux antipodes du
romantisme. Il peint l’instant où l’irrémédiable se manifeste : ce corps,
celui d’Hélène Fourment, déjà les vers du tombeau le guettent, et Rubens –
duquel si justement, on a pu dire que, Don Juan dans la vie, il fut Faust dans
la peinture – le génial Rubens le fixe, ce corps qu’il a aimé, ce corps qui
donna la vie à sa propre vie, il le fixe au moment ou, parvenu à la cime de
l’existence, déjà il bascule, proie de l’ombre, vers le néant », Critique, 1957, « L’homme à
l’intérieur du paysage », sur Le
Plaisir de Peindre d’André Masson, 1950).
Avec Mélik la Femme fait entrer dans un univers
qui n’est plus celui du réalisme brillant et tragique, celui du cycle
irréversible de la Vie à La Mort, mais là où le corps est transfiguré. « Sur un certain plan, la grande conquête de
certains peintres modernes (c’est le cas de Mélik) a été la suppression des
traces de l’ombilic. Ces corps ici et là, ces corps peints qui répondent ou
interrogent sont des corps éternels, des corps sans naissance » (p.
39). Il me semble que ce passage est ce qu’Hubert Juin a écrit de plus
troublant sur la dimension la plus
mystérieuse de la peinture de Mélik. Cette
absence de la cicatrice de séparation, ces corps d’allure éternelle, sans
naissance donc sans mort, ces corps en
même temps charnels et spirituels, n’est-ce pas ce que Mélik a de plus indéchiffrable ?
Plus loin Hubert Juin nommera Le Greco (p. 64) et parlera d’ une « métaphysique charnelle » (p. 66). Si on ne peut pas réduire un peintre
à une seule signification, puisqu’il y a autant de Mélik que de toiles de lui,
il y a bien la vision d’un corps de chair mystique qui l’apparente aux tableaux
les plus hallucinés du Greco. Leurs visées imaginaires pourraient être
identiques mais, dans la mesure
où les valeurs picturales sont différentes, la correspondance n’est
pas visuelle.
(à suivre...)
lundi 19 novembre 2012
Hubert Juin, 3° partie (suite)
Méditant sur l’œuvre d’André Masson, Hubert Juin
parlera encore de cet enjeu cosmique d’un Art qui interroge la place de l’homme
dans l’univers. « Saisie aux racines
d’un monde qu’elle ne peut joindre, prisonnière d’une volonté dont elle ne peut
venir à bout, il reste à la peinture au moins de pouvoir témoigner pour une
grandeur sans but et un héroïsme sans juges. Et prolongeant cette pensée vers
laquelle incline la Providence, ne faudrait-il pas ajouter que la peinture va
plus loin que l’homme ? Il est vrai qu’il n’existe jamais « de grand
peintre qui ne se trouva amoureux, non seulement de la peinture, mais à plus
forte raison de l’humain et de l’universel. » », Critique , 1954. Providence, solitude de l’homme grand et héroïque,
« métaphysique charnelle », « rapports mystérieux »,
« rapports miraculeux », « corps éternels », « corps
sans naissance ». L’œuvre de Mélik participerait-elle à l’analogie
primordiale entre la grâce et l’art. Tout art est-il religieux ? Pour Nietzsche l’art est au service de l’illusion
puisqu’il est un « beau mensonge » qui cache par son esthétique le
désordre du monde. Contre Nietzsche et tout le XIX° siècle, l’art moderne a
renoncé à juste titre à l’idée platonicienne
du Beau. La peinture du XX° siècle, comme la poésie, se vit comme une « métaphysique
expérimentale ». Et quand Hubert
Juin parle de la peinture de Mélik, il comprend qu’elle se veut révélation et accomplissement de ce
que contient le monde. Au même moment le philosophe Maurice Pradines
explique bien ce nouveau rôle de
l’art : « La musique rend au
monde sa cohérence avec sa grâce en lui restituant ce qui pourrait être sa
respiration naturelle… Il n’en va pas autrement des couleurs, dont nous
restituons la beauté aux choses… « la vraie vie est absente ».
Absente, et cependant réelle, et
simplement cachée – comme l’entendait Rimbaud lui-même -, c’est-à-dire victime
d’une espèce d’occultation dont nos sens naturels sont les instruments aussi
inconscients que têtus et obstinés. Car l’art n’est point une mystique, et ce
qu’il nous invite à regarder, c’est moins le ciel que la terre – une terre
inconnue - . », « Du rôle informateur de l’art en matière
psychologique », Journal de
psychologie normal et pathologique, 1952.
Edgar Mélik, sans titre, collection particulière
La peinture de Mélik, comme toute celle qui est à
la pointe surréaliste du temps, est un miroir dans lequel nous ne revoyons pas
ce qui est déjà visible, mais ce que le réel contient de caché au regard extérieur. Max Ernst peint des
scènes saisies, selon le titre qu’il donne à ses représentations, « à
l’intérieur de la vue » (cf. article, Serge Gaubert, « Eluard entre
Breton et Picasso »). C’est en 1947 que ce titre fantastique est donné à
un recueil de poèmes de Paul Eluard et de 39 collages de Max Ernst (A l’intérieur de la vue. Poèmes visibles,
Paris, Seghers)
Peinture,
langage et science : Comment
la peinture peut-elle signifier quelque chose en elle-même, c’est-à-dire en
dehors de tout ce qu’elle contient de représentation (sujet) et de
construction (forme)? Hubert Juin a déjà noté cette illusion commune qui
identifie langage et image : « Comparez
un tableau et la littérature qui l’accompagne (dans laquelle il est question de
plans, de lignes, de masses, de perspective, voire de nombre d’or) et vous
éprouverez la curieuse sensation que du tableau n’a été recueilli que l’élément
infiniment périssable » (p. 15). Le problème philosophique n’est pas nouveau, et
Voltaire déjà confondait beauté poétique et sens intelligible de la phrase. Un
vers est réussi quand la pensée juste et noble qu’il exprime serait aussi belle
en prose (voir G. Métayer, Nietzsche et
Voltaire, Flammarion, 2011, p.79). Tant que l’art a été victime de la
notion de « beau naturel », le sens de l’œuvre se trouvait dans ce
que le langage aurait pu aussi bien dire (‘la peinture est poésie’ au sens de langage). Ce qu’on a pris pour le goût de l’irrationnel ou
du laid dans le surréalisme est en réalité un effort pour donner son autonomie à la peinture par rapport au
langage et au visible. Elle fait de l’espace, de la lumière, du temps, de la ligne, du volume,
du mouvement des valeurs picturales
aussi importantes que le dessin et la couleur. Cette possibilité a été ouverte
par la conscience des grands artistes du XIX° siècle. Pour Baudelaire :
« Une toile de Delacroix vue à une
distance trop grande pour analyser et même comprendre le sujet, a déjà produit
sur l’âme une impression réelle ».
Pour Flaubert : « Un
beau vers qui ne signifie rien est supérieur à un vers moins beau qui signifie
quelque chose ». Bien sûr ce n’est qu’un paradoxe. Le tableau garde le
« motif », le poème n’exclut pas le sens verbal. Mais c’est par la
poétisation des idées, des images et des sentiments que le poème est inventif.
Ce processus se réalise dans la matière
sensible des mots par leur sonorité et leur rythme (pour les citations cf. H.
Bremond, La poésie pure, Grasset,
1926).Par analogie, Hubert Juin utilise/invente un
néologisme. Il parle d’ «intense picturalisation »
(Edgar Mélik ou la peinture à la pointe
du temps, p. 63, sur André Masson, Critique, 1954, et Aix-en-Provence,
1960), toujours comme ouverture radicale
liée à Cézanne. Même la peinture
abstraite peut exercer ce processus de picturalisation. Hubert Juin était très
sensible à la signification de la peinture de Soulages, car le peintre, qu’il
soit figuratif ou abstrait, crée des signes plastiques qui sont autant de
formes signifiantes à partir des données matérielles du tableau (espace,
lumière, mouvement).
Ainsi de l’espace, réalité vécue par l’homme à
l’intérieur du monde. Par son art de peintre Soulages invente un « espace dramatique » : « Dans nos bourgs, l’espace qui sépare le Café
du Commerce des Galeries de la Paix est parcouru chaque jour par d’innombrables
personnes. Le peintre ne figurera pas le café ou les galeries, il fera (ainsi
procède Soulages) une peinture où l’espace se révélera dans sa dramatique
propre… avec sa sombre énergie », Critique,
« Mésaventures de l’art abstrait »1957.
L’expérience de l’espace inventée par Cézanne est
tout aussi significative : « Cézanne,
dans ses tableaux, rassemble les éléments qu’il voit « devant lui »,
leur assigne un rôle d’objets, mais va, bien qu’il travaille, comme il disait
« sur le motif », jusqu’à
supprimer l’espace qui les aère. Raccourcissement du trompe-l’œil. Ainsi il colle littéralement
le viaduc du chemin-de-fer sur la montagne, supprimant volontairement les deux
heures de marches qui les séparent dans la réalité », Critique, 1957. Mais
pourquoi cette transformation, par simple jeu ou pour faire du beau ?
« Par l’entremise de ses valeurs
picturales, Cézanne pensait un monde intelligible et groupé autour de l’homme
comme autour de la seule chose qui puisse, précisément en le pensant de cette
façon, le rendre intelligible ».
Paul Cézanne, Sainte Victoire avec viaduc de la vallée de l'Arc (1882-1885)
La peinture se place, pour la première fois de son
histoire, au-dessus du langage. « L’aventure poétique, telle qu’il lui est
donné de s’exprimer à travers l’expérience picturale, se concentre sur elle,
perd pour les mirages de la forme les tentations du langage. Mais aussi, une
certaine supériorité du monde muet ne peut, à la longue, que dominer les essais
du monde parlant» (p. 39). Autant le surréalisme a mis la poésie et ses
images verbales au-dessus de la peinture et ses images visuelles, autant Hubert
Juin, lui-même poète et romancier, place la peinture plus haut dans l’accès à
l’indicible humain et cosmique. Il est bizarre qu’il ne mentionne pas Mélik pianiste (c’est
un univers qui lui était peut-être étranger). Est-ce que Mélik a écrit sur sa
manière de comprendre la musique de Bach ou de Beethoven qu’il jouait ? Car la
même question se pose. La musique
est-elle seulement un jeu formel, ou les formes musicales ont-elles une
signification humaine, un sens extra-musical ? « La musique de Bach était une parole à part entière qui dévoilait des
vérités jusqu’alors inaperçues. Elle prenait le relais du langage verbal à
l’orée de certaines régions qui lui sont inaccessibles. Bach, qui savait faire
dire cela à sa musique, n’était donc certes un simple arrangeur de notes, mais
un penseur », Philippe Nemo, Le
chemin de la musique, PUF, 2010, p. 175.
Au sujet de la science et de l’art, Hubert Juin ne
partage pas le syncrétisme du surréalisme d’André Breton. Toutes les époques
créatrices, depuis la Grèce, ont recherché un équilibre harmonieux entre les
arts et les sciences (la Renaissance, le
romantisme allemand). L’échec assez confus du surréalisme avec la psychanalyse
(Freud) et l’anthropologie (Mauss) est soldé (voir, Jean Clair, Du surréalisme considéré dans ses rapports
au totalitarisme et aux tables tournantes, Mille et une nuits, 2003). Hubert Juin ne dévalue rien, science et art
sont deux formes de recherche de la Connaissance, mais leur Vérité et leurs
procédés sont parfaitement distincts. L’Art est « élaboration de structures de sensations qualitatives » et
signifiantes pour l’homme. La Science est « codification
des quantités pour les relations » entre des faits. Il est sceptique face à toute tentative qui
voudrait formaliser les relations qualitatives dans les arts plastiques. Ce
débat est vif à l’époque autour de l’abstraction géométrique. Kandinsky a voulu
élaboré un langage universel des couleurs-émotions, mais devant les obstacles
s’oriente vers une certaine mystique (Du
spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, 1910). Mondrian a
tenté d’instaurer un code universel des lignes et des angles (Manifeste de la
revue De Stijl, 1918). Le formalisme abstrait atteint son apogée avec
Augustin Herbin qui inventera un code plastique (voir Céline Berchiche,
« Augustin Herbin et l’alphabet plastique », Thes-arts, 2009). Ce que Hubert Juin stigmatise comme un
« académisme sans rigueur » a ses partisans chez les critiques d’art
qu’il cite et récuse (Léon Degand, Michel Tapié). « Certains
ont essayé de déterminer les rapports qui pourraient jouer entre l’art et la
science. Je crois, pour ma part, que si certaines interactions demeurent
possibles, aucun rapport strict ne pourrait être établi entre les deux »
(p. 39). Il préfère la « rigueur sans
académisme » de Soulages, Atlan, Hartung, Fautrier, Vieira da Silva,
Poliakoff, Manessier, Pignon, Bissière où le dynamisme des signes et des
couleurs est celui de la vie (cf. L’Envolée
lyrique, Paris1945-1956, Skira, 2006). Il ya de rares moments dans
l’histoire de la peinture où on reconnaît qu’elle contient autant
d’intelligibilité que la science. Alors, la valeur de la connaissance sensible
égale la valeur de la connaissance abstraite. Ce fut le cas dans la Grèce
classique, pour la Renaissance. On oublie, que sous l’apparence irrationnelle
du surréalisme, il y a eu un grand moment d’intelligence de la peinture
moderne. Hubert Juin l’a revendiqué en opposant la peinture qui se veut une
métamorphose instable du réel (André Masson) ou un refus mystique de la négation
de l’homme (abstraction formelle de Kandinsky), une peinture qui dans sa magie
propre oppose au désordre du monde un ordre intelligible (Cézanne, Paul Klee,
Soulages, l’abstraction lyrique). Ce qu’Hubert Juin a compris un philosophe
ouvert à l’aventure de la peinture moderne en faisait la matière de sa
réflexion en 1955. « Le
trait le plus remarquable de cet univers des artistes créateurs est la relation
particulièrement étroite qu’il révèle entre l’être et l’intelligibilité… C’est
un univers qui essaie toujours de dire plus qu’il n’a encore été dit, ou, du
moins, de le dire autrement, mais qui ne connaît pas encore clairement le sens
de ce qu’il va dire. Le sens deviendra tout à fait clair quand ce qu’il essaie
de dire sera dit. Toutes les vraies œuvres d’art, si surprenantes qu’elles
soient d’abord pour l’œil, l’oreille ou l’esprit, réussissent finalement à
révéler une intelligibilité sans la quelle elles ne sauraient être »,
Etienne Gilson, Peinture et réalité,
Vrin (1955), 1972, p. 350.
Jean Fautrier, Têtes de partisan, 1957
Le
temps comme valeur picturale :
Le problème de l’espace est résolu de multiples façons quand les peintres
arrivent à lui donner une « réalité tactile » (épaisseur de l’espace,
transparence de l’espace, composition formelle). Hubert Juin connaît les études
scientifiques les plus récentes (Bernard Berenson, Esthétique et histoire des arts visuels (1948), trad.fr.
1953 ; Pierre Francastel, Peinture
et société : naissance et destruction d’un espace plastique de la Renaissance
au cubisme, 1951). Mais le défi que le temps, dimension non-visuelle
du monde, représente pour la peinture est encore plus grand. Comment en faire
une « valeur picturale » dans le tableau ? C’est par le
dynamisme et l’énergie de la peinture que les peintres arrivent à « piéger le temps » (Critique, 1957). De la même façon que certains peintres
figuratifs ou abstraits arrivent à dépasser le caractère limitatif de la
surface de la toile, ils arrivent à dépasser « l’image statique » qui
ignore le mouvement et l’énergie,
traduction visuelle du temps comme force. « Et
précisément, pour quitter l’espace statique au profit de l’espace dynamique, le
peintre a dû avoir recours à des éléments non-figuratifs et à des perspectives
brusques qui lui permettent d’animer le volume et de le transformer de masse en élan » (p. 42). Comment Hubert Juin va-t-il intégrer la peinture
de Mélik à cette modernité ? Il n’y a eu qu’un court moment de peinture
abstraire chez Mélik. Sa peinture prend la voie d’un figuratif inobjectif. Le
titre de l’essai d’Hubert Juin livre enfin une clef. « à la pointe du
temps » suggère que Mélik est sur le front
de la peinture moderne, mais aussi qu’il piège le temps comme limite ou
bord du monde. Le temps se remonte par l’imaginaire. Il a substitué le mythique
à l’historique en représentant un « avant-monde »
avec ses « corps sans naissance, des
corps éternels » (p. 39), et des formes fantastiques. Il n’est pas isolé, même si les peintres de
l’Ecole de Paris (Manessier, Bissière, Vera Pagava), le creuset de
Montparnasse, sont tous sortis de la représentation d’êtres irréels de l’avant-guerre pour aller vers
l’abstraction lyrique. Par contre il rejoint Paul Klee et Victor Brauner dont il sera question plus
loin.
Comme pour l’espace il y a plusieurs expériences
possibles du temps en peinture. Le paysage chinois et la calligraphie sont des
voies à méditer pour André Masson et Pierre Soulages parce que la peinture a été alors une « peinture de l’instant et du dynamisme ».
« La paysage chinois, c’est
l’éternité de l’éphémère. La brise qui tremble à la pointe d’une feuille, c’est
notre vie… c’est aussi vrai pour l’arbre qui jaillit du sol que pour le roc
portant témoignage dans son apparente inertie de l’explosion originelle (il
porte les violents stigmates du feu et de la rupture) », Critique, (citation d’André Masson),
1954. Mais à ce mouvement expressionniste qui donne une « réalité
tactile » à « l’instant éclat;
à l’instant éternel ; à l’instant
centripète », Hubert Juin oppose « les peintres de l’attention » pour lesquels l’énergie intense
ramène les personnages vers eux-mêmes (Piero della Francesca, Cézanne). « On a
dit du peintre d’Arezzo qu’il était impassible et figé ! Quelle
erreur ! Les personnages de Piero delle Francesca sont attentifs à leur passion et l’univers autour d’eux est
tendu vers ce point même, cette cime, ce gouffre qui draine à soi tout ce qui
palpite et respire. Les visages de La Mort d’Adam virent lentement sous les
éperviers de la douleur. Il n’y a rien de frénétique tant l’événement survenu
est le comble de la frénésie », Critique,
1954.
dimanche 18 novembre 2012
Hubert Juin, fin
Dans le cas de Mélik, c’est en remontant vers
l’originel et le primordial que le temps est piégé par une peinture de
l’attention, souvent intérieurement très tendue. « Le
peintre, en livrant cette femme venue des confins du plus lointain passé, et
fusant vers les bornes de l’avenir, et parlant aujourd’hui afin qu’aujourd’hui
soit autre ; le peintre en livrant ce visage magnétique opère un exorcisme
infiniment troublant, infiniment confortant », (p. 43).
Edgar Mélik, collection particulière
On confondra l’étrangeté de la peinture de Mélik avec les excentricités de l’homme, comme si ces deux faits appartenaient aux mêmes plans de réalité ! Il faut être fou pour peindre comme ça ! Mais c’est ignorer que la folie n’est pas cause d’art, mais que c’est par l’art que la folie accidentelle peut être dépassée. « On a pu prouver que certains grands peintres ont échappé aux furies de l’autodestruction par l’exercice de leur art. Lorsque tous les hommes pourront échapper aux furies de l’autodestruction et aux méduses de la destruction collectives, la poésie sera faite par tous, non par un » (p. 44). Hubert Juin ne confond pas le plan individuel (celui de l’artiste qui dépasse la folie de l’inconscient) et le plan collectif de l’humanité. L’art indique une voie, mais ne permettra jamais de sortir du tragique de l’Histoire. C’est l’inverse qui est vrai : quand l’Homme sera unifié, tout homme sera artiste. Hubert Juin est loin de la confusion qu’on croit trouver dans le surréalisme entre folie et art, comme de l’illusion délirante sur le rôle de l’art (cf. René Clair, « Puisque l’art était la manifestation d’une folie, la folie ne pouvait être qu’un symptôme de l’art », op. cit., p. 157).
Très logiquement Hubert Juin publie ensuite un
grand texte de Mélik, de 1932, « Tournant », où celui-ci s’explique
sur le sens de « l’humain » pour l’art. On ne peut guère faire ici une
explication de ce texte complexe, mais la logique est ternaire : constat tragique, le refoulement de
l’humain dans la société actuelle (l’inhumain) ; sa redécouverte toujours possible, au moins dans l’art qui peut tout
inventer sauf l’humain; et enfin le dépassement/
l’élargissement de l’humain par le mystique qui est participation de
l’humain au monde (c’est le plan de l’esprit pur). L’art a donc une place
centrale, puisqu’il résiste à la négation de l’humain, mais il vise au-dessus
de lui, vers l’humain absolu. « L’humain
absolu ne peut exister par lui-même dans l’art – il ne sera que l’ombre de
l’homme qui est derrière l’œuvre » (p. 45). La pureté de l’esprit est le stade le plus haut de
la réalisation de l’humain, mais comme intégration de tous les niveaux d’être
(les éléments de la Terre, l’animal, l’esprit). « La
qualité humaine n’est que la qualité animale dans le sens le plus élevé du
terme ». Pour Hubert Juin ce texte de 1932 sacrifie encore
à « l’exacerbation nietzschéenne »,
et après la mutation de sa peinture de la participation mystique (Dionysos) à
l’action magique de la clarté (Apollon), il serait réécrit autrement. A ce
point, on peut plutôt penser que c’est une remarquable et elliptique
métaphysique concrète qui rappelle le naturalisme romantique (Novalis et la magie
des quatre éléments) et le naturalisme humaniste de Pic de la Mirandole pour la
place centrale de l’humain (microcosme qui n’ayant pas de nature communique
avec le minéral, le végétal, l’animal et le divin).
La
Valeur : Le peintre-penseur
est le seul à poser « l’interrogation
métaphysique essentielle », à
l’homme (Qui suis-je ?), mias plus à la Nature ou à Dieu. C’est la question de la
VALEUR, et non des valeurs. La peinture
de Gauguin oblige à « lire
indéfiniment les grands romans de Kafka » (p. 46), dont on sait qu’il a
représenté un complément à Nietzsche dans « la formation des structures mentales de Mélik » (p. 17). Quelle
pensée ou confirmation Malik trouvait-il dans la « trilogie magique »
de Kafka, qui ne se trouve pas dans Nietzsche ? « L’homme
est-il le centre métaphysique du monde ? L’homme n’est-il pas, à chacun
des regards qu’il jette à son miroir, l’incarnation de la métaphysique dans
l’histoire ? » (p. 47). Cette idée est-elle compatible avec la
philosophie de Nietzsche ? Dans les deux cas la solitude de l’homme est
complète comme l’absence de Dieu. Et si la littérature de Kafka était plus
radicale que la philosophie de Nietzsche ? N’est-elle pas plus fidèle au
tragique de la condition humaine (Dionysos). Elle ne met pas l’art au service
de l’illusion (Apollon), ni la vérité dans l’explication philosophique. « Comment
savoir pourquoi l’homme est condamné à la condition de l’homme et ne peut
accéder à la plénitude de la connaissance ?», R. Rochefort, Kafka ou l’irréductible espoir, Julliard,
1947, p. 225. Les romans de Kafka nous obligent à poser la question
métaphysique (Qui suis-je ?), mais pour nous faire comprendre qu’ils ne
contiennent pas de réponse. Nietzsche
est resté prisonnier du besoin philosophique de tout expliquer, alors que la
littérature de Kafka est construite de telle sorte qu’on sache qu’on ne pourra
rien expliquer. Ce paradoxe est
libérateur parce qu’il laisse l’homme être « le centre métaphysique du monde ». Il n’est plus objet d’une lourde
explication (volonté de puissance, éternel retour, surhomme). « Que
ses livres ne répondent pas à l’exigence
habituelle de notre raison, et ne donnent pas, en ce qui concerne le sens,
l’impression d’une plénitude, cela tient au fait que Kafka s’efforce à travers
ses livres de réduire la vie à rien et de démontrer l’absurde… C’est ce que
traduit le caractère singulier de ses récits, situés comme à mi-chemin entre le
rêve et la veille, entre le sens et l’absurde, entre l’arbitraire et la Loi, et
comme au milieu d’une contradiction dont les deux termes s’équilibrent, tandis qu’un espoir toujours déçu s’y épuise et s’y
renouvelle sans cesse », idem,
203. En tout cas, ce que suggère Hubert Juin dans ces
trois passages capitaux (p. 17, 28 et 46) c’est que la rencontre de Kafka aura
coïncidé chez Mélik avec une pacification de sa vision du monde et avec
la « solidité» (p. 16) de sa peinture.
« Parti d’une rébellion,
d’une amertume et d’une vivace négation, Mélik arrive à nouveau à l’humain, à
l’éligible et – pourquoi pas ?- à l’humour », (p. 18).
En quoi la mutation de la peinture moderne
est-elle métaphysique pour Hubert Juin ? Il l’exprime très bien par une
confrontation des peintures qui sont autant de visions du monde. « A un
monde où la nature n’est pas plus troublée par la chute d’une pierre que par la
chute d’Icare (cette leçon de l’humaniste Bruegel) se substitue un monde où le
paysage en vient à obéir au peintre, en vient à manger aux paumes de ses mains.
Et qui n’a vu des paysages transformés
par Cézanne ou par Van Gogh ? » (p.47).
Bruegel l’Ancien, la Chute d’Icare, 1558
La référence au tableau de Bruegel n’est pas
neutre, Pierre Francastel venait d’en renouveler l’interprétation : l’audace de
l’inventeur (Dédale et Icare) laisse la nature et les autres hommes indifférents (cf. Peinture et société : naissance et
destruction d’un espace plastique de la Renaissance au cubisme, 1951). C’était
la limite de l’humanisme. L’artiste moderne transforme le paysage pour
signifier que l’homme s’affirme comme « centre métaphysique du monde ». L’art n’est pas une production gratuite ou
esthétisante, mais un mode de signification sensible. Et la philosophie ne peut
qu’enregistrer cette révolution : « Comme Nietzsche l’a si profondément senti, la révolte de l’artiste
contre les contraintes qu’impose l’imitation de la nature est, au fond, une
révolte contre la nature même, et comme la nature est donnée dans la connaissance
théorétique, ou spéculative, l’évolution récente des beaux-arts exprime une
volonté réfléchie, de la part de l’homo faber, de n’accepter aucune nature
imposée du dehors, mais seulement celle qu’il aura créée lui-même… Il ne semble
pas qu’un philosophe se soit trouvé pour construire la synthèse doctrinale
qu’appelait cette situation complexe. La raison en est peut-être qu’il
s’agissait en effet d’opérer un complet retournement des valeurs, aventure
dont Nietzsche lui-même a beaucoup parlé, mais qu’il n’a pas
réellement tentée », Etienne Gilson, Introduction aux arts du beau, 163, p. 170.
Vincent Van Gogh, Nuit étoilée, vers 1889
Un
monde nouveau : Hubert
Juin et Mélik vivent à la pointe de cette révolution qui a vu dans l’Art
l’annonciation d’un monde nouveau (1880-1950), une prophétie (mot d’Hubert
Juin, mais déjà de Bachelard), . Mais
ils ne peuvent pas savoir que leur génération est la dernière à l’espérer.
« Il faut souhaiter que le peintre
moderne ose enfin devenir le peintre de l’aurore. Qu’il nous livre enfin les
premières images d’un monde que nous appelons de toutes nos forces, d’un monde
qui sera le nôtre. Je pense que la poésie n’a pas à rendre la vie acceptable
par un rejet pur et simple de l’inacceptable, mais au contraire que son rôle
actuel est de rendre de plus en plus inacceptable ce qui pourrait passer pour
tolérable », (p. 48). Aujourd’hui l’adaptation de l’homme à ce qui
existe est le nouveau credo, et le
mercantilisme absorbe le monde de l’art. Hubert Juin n’est pas naïf sur ce
basculement, il en connaît parfaitement les signes précurseurs. Il reprend l’anagramme
de Salvador Dali (Avida Dollars) qu’André Breton venait d’inventer. Hubert Juin désigne « les
publicités indues » dénoncées par ce jeu de mot (p. 48). Il sait qu’un
peintre comme Chirico des « Intérieurs » a renié sa propre peinture dès 1920 pour
retomber dans l’académisme (p. 31 et 38).
Il déplore « les formes
ininspirées et grotesques qui barrent la route (« les ready-made aux
prolongements saugrenus ») » (p. 48). Effectivement les années
cinquante sacrifieront au mythe dérisoire du prophète de l’avant-garde et de
l’art conceptuel (voir Jean Clair, Sur
Marcel Duchamp et la fin de l’art, 2000). Si Hubert Juin célèbre la
révolution des Futuristes, des Fauves et des Cubistes, autour des années 1906 à
1912 (p. 42), il a conscience que toute innovation en peinture donne lieu à des
contresens et peut tourner à l’exercice vide. Enfin, la peinture abstraire, si
elle reste un courant vivant (Soulages, Fautrier, Bissière, et la nouvelle Ecole de Paris) tourne aussi à
« l’académisme sans rigueur » de la peinture formelle (Carrey, Chapoval,
Herbin). L’art n’échappe pas aux
aventures et aux mésaventures de l’histoire en général.
Mais les peintres auxquels Hubert Juin fait
confiance pour faire surgir « une
telle modification de la sensibilité de l’homme que le visage du monde s’en
trouverait extraordinairement changé » (p.48) existent toujours :
Pablo Picasso (1881-1973), Victor Brauner (1903-1966), Matta Echaurren
(1911-2002), Wilfredo Lam (1902-1982), Raoul Ubac (1910-1985), André Masson
(1896-1987). Sa liste s’ouvre avec Edgar Mélik (1904-1976) et se termine avec
Max Ernst (1891-1976), « l’un des
plus grands maîtres de l’époque » (p. 48).
Toute cette génération d’artistes, souvent
polyvalents (peinture, sculpture, gravure, photographie, vitraux), naît à la
transition du XIX° au XX° siècle. Ils sont fortement marqués par les ruptures
dans l’art de peindre et pratiquent donc
une « peinture expérimentale », grâce à quoi chacun fait
varier ses moyens d’expression et donnent un contenu irréel à ses images
dynamiques. Leurs tableaux sont des miroirs étranges où on ne retrouve pas ce
qui nous rassure. Ils imposent « le réalisme de l’irréalité »
(Bachelard, 1941). La perception d’un peintre dépend essentiellement
d’un jeu de rapprochement qui mettra en évidence ses affinités et sa
singularité. Il n’y a pas de doute qu’Hubert Juin était en mesure de replacer
l’énigmatique peinture d’Edgar Mélik dans ce grand courant de la peinture dite
surréaliste. Ce qui dérange dans ses images est bien intemporel et pacifié en
comparaison de l’exubérance d’un Max Ernst ou d’un André Masson. La solitude et
la maturation du peintre a duré 23 ans. Mais quand Hubert Juin le découvre à
Cabriès Edgar Mélik est conquérant. Il n’est pas le seul artiste à avoir quitté
Paris pour créer (Roger Bissière, Raoul Ubac, Ossip Zadkine, André Masson, etc.).
Au lieu de sacrifier à la légende du peintre maudit, Hubert Juin insiste
sur la fécondité de cette longue période secrète. « Je ne veux faire appel, ici, à aucune notion de réaction magique du monde contre le créateur » (p. 48).
L’isolement relatif de l’artiste est un gage volontaire
qui le préserve de la vanité et des compromissions. C’est une exigence qui
traverse les siècles, et que beaucoup d’artistes de cette génération assument
volontiers (cf. Raoul Ubac à son ami Jean Bazaine, « Mon vieux, le jour où tu laisses passer ta photo dans un journal,
quelque chose d’impur s’installe en toi, définitivement », Encyclopaedia Universalis). « D’une
activité clairement dévoilée et mise au jour ressortent les déformations
caricaturales, les incompréhensions hâtives, les suiveurs facilement renégats…
la vision de Mélik qui ressortissait si clairement à un monde de l’agressivité,
s’est prise peu à peu aux domaines des correspondances et des analogies. A
l’heure actuelle, chaque nouvelle toile s’apparente à une carte des
connaissances futures » (p. 49).
Pour Hubert Juin la force de la peinture de Mélik
à ce point de maturité est due à son sens médiumnique (voir au-delà des
apparences) et au dynamisme des analogies. Ce pouvoir de l’imaginaire est
particulièrement visible chez le peintre qu’il admirait le plus à ce moment là, André Masson (avec
Pierre Soulages). « Lorsqu’à
propos de Masson, André Breton parlait de chimie de l’intelligence (dans Le
surréalisme et la peinture, 1928), il empruntait ce terme à Edgar Poe et
voulait très exactement signifier qu’une certaine chimie mentale s’apparie aux
lois de la chimie naturelle, laquelle, réunissant deux éléments donnés, obtient
un produit nouveau dont les qualités ne rappellent en rien les qualités des
composants. C’est là une excellente définition de l’image, telle que, par la
mise en valeur du dynamisme analogique, la poésie moderne (et
principalement la poésie surréaliste) a pu l’exploiter », Critique, 1954.
Ce dynamisme analogique propre au surréalisme a
été particulièrement inventif chez Paul Eluard :
« Les
poissons, les nageurs, les bateaux
Transforment l’eau
L’eau est
douce et ne bouge
Que pour
ce qui la touche
Un poisson avance
Comme un
doigt dans un gant... »
Poisson de Paul Eluard, dans Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, 1920 (Pour
Gaston Bachelard c’est un exemple clair de l’imagination matérielle :
« Ainsi se cohèrent le milieu et l’être : l’eau se transforme, elle gante le poisson ; inversement, le
poisson s’allonge, s’efface, s’enferme », Lautréamont, 1939). Si la liste des peintres auxquels Hubert Juin
associe Edgar Mélik nous parait loufoque, il faut se tourner vers ce que cette
époque appelait « le dynamisme analogique », une méthode pour faire
voir dans les miroirs autre chose que les apparences trompeuses.
Il faut lire Hubert Juin pour retrouver la clef
perdue d’un « art de voir », cette clef magique que tous les poètes
et les peintres qu’Hubert Juin regroupe joyeusement autour du peintre de Cabriès
appelaient le « dynamisme des analogies ». Cet art lyrique de voir et
de rêver autrement.
Olivier Arnaud
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Parmi les trois autres pièces de Mélik qui figurent dans cette exposition - mais sa reproduction est difficile - ma préférée est un format un peu plus grand, toujours sur papier. Moins d'ocre que d'habitude, une apparition qui surgit dans une atmosphère rouge et noire extrêmement sensuelle, une femme nue couchée à l'horizontale qui croise ses jambes, longues et minces : de la cendre, de la noirceur et des braises extrêmement vives, presque une idole. Simultanément, dans cette beauté d'apparition, beaucoup de fragilité, peut-être quelque chose comme un sentiment de "nevermore". Là aussi, pas grand chose pour une causerie banale : parmi celles que je peux connaître, l'une des plus surprenantes pièces de Mélik.
En bref, quatre pièces admirablement choisies et conservées par leur collectionneur".