jeudi 26 octobre 2017

Nouvelle exposition au château-musée de Cabriès : Mélik sort de sa réserve !

Une très belle exposition Mélik est organisée au château-musée de Cabriès pour cet Automne, visible du mercredi au dimanche, de 10H à 12H, et de 14H à 17H, du 25 octobre au 24 novembre.

Arnaud de Villeneuve, directeur du musée, a eu la très bonne idée de sortir des réserves du musée des oeuvres de Mélik. L'occasion de voir des tableaux et dessins  d'époques très différentes et rarement visibles. De quoi redécouvrir le Maître des lieux dans toute sa fantaisie jubilatoire, sa gravité émouvante ou la douceur étonnante de quelques visages. 
A vous de monter au château et de juger par vous-mêmes.

 Un grand tableau au ciel bariolé vous accueille. Avec un personnage aux jambes nues et un petit chapeau, un cheval fougueux, et une statuette, s'agit-il d'une scène de bord de plage? Combien de petits personnages flottent dans l'eau... dans l'air?




Quelques traits pour des yeux allongés
Statuette de plâtre (un Cupidon à la manière de Cézanne?)







 L'exposition présente plusieurs dessins qui racontent des scènes de vie quotidienne où Mélik se plaît à saisir toutes les attitudes fugitives des êtres humains.
 Cette Scène de joueurs de boules à Cabriès (1934) représente quatre hommes avec vestons et chapeaux. Deux boules au sol, un groupe qui s'éloigne pendant que deux hommes s'expliquent sur le dernier tir... Le trait est rapide, ce n'est pas la ressemblance complète qui compte mais la vivacité des gestes.



 Deuxième dessin où deux hommes disproportionnés se font face au pied d'une boule de pétanque...




Mélik invente une femme fantastique et lui donne une tête d'épingle (comme Miro et Picasso dans les années 1930). Il joue avec le ventre et son nombril, avec les seins ballotés en tous sens. Que fait-elle devant nous? Elle danse, avec sa grande robe blanche, sur un pied. Elle tient dans sa grande main sa jambe droite relevée en arrière !




 

Un très beau dessin offert au musée par Séda et Nathalie Mélik en 2010. Au contre au femme bordée d'un épais trait noir. C'est une scène d'intérieur, probablement réalisée pour La Lorelei, recueil de poèmes de Rouben Mélik (son cousin poète), qu'Edgar Mélik illustra en 1949. A droite, un lit? Que fait cette femme au visage effrayé ?



                                          

 Une étrange créature hante la tapisserie...


 La femme est nue et se balance sur ses jambes, les deux mains sur sa cuisse...Elle s'essuie après le bain?

Rien ne nous empêche de mieux regarder les tableaux de Mélik qui sont présentés en permanence au musée. Par exemple, cette femme élégante devant son piano à queue jaune et rouge...


 La scène assez étrange se déroule devant une grande verrière qui occupe tout le fond de la pièce. Elle donne sur la mer... Un personnage étrange, raide comme un bout de bois, tourne le dos à la pianiste.


 Sur cette petite surface Mélik a mis d'infinis détails avec une habilité très moderniste. Regardez le tabouret à vis : quelques traits noirs, quelques taches jaunes sur un fond rayé de rouge.



 Sur un grand panneau de bois vous serez surpris par ce visage ou ce masque qui vous suivra de ses yeux bleus...

 

 Dans la veine moderniste, ce couple de femmes nues aux visages masqués invite à la rêverie. Elles ne sont pas sans pudeur, un pan de tunique gris ou les mains croisées cachent leurs sexes... Un étrange oiseau flotte dans l'espace.



 Ce grand nu allongé est offert au musée par l'Association des Amis du musée Edgar Mélik. Quelques traits pour ce visage-masque aux yeux creux (Matisse revisité par Mélik). Elle s'appuie sur son coude et ramène sa grand jambe sur son ventre. La pose n'a rien de classique...



 En revenant à la peinture-fresque on découvre dans l'atelier de Mélik ce très grand tableau où trois Têtes géantes se bousculent. Les taches bleues sont autant d'yeux qui se dévisagent.
 

Mais au centre, Mélik s'amuse à confondre les têtes! Combien de regards sur cet unique visage?

 





 


Parfois Mélik choisit le trait simple et la courbe pour un visage où se lit la douceur.


 Le visage n'est plus qu'un regard éperdu, mais tendu vers quelle tête dont le grand corps (et l'esquisse d'un bras) se love dans l'espace encore vide ?



 


  Mélik s'installe à Marseille en 1932, en rupture de famille et de mode de vie. Il veut partir vers l'Orient, la Perse de ses ancêtres, et plus loin encore, l'Extrême-Orient. Singapour, Sumatra, Bornéo. "Oui, vraiment, Mélik était attiré par cette région mystérieuse, encore un peu sauvage... Mais Mélik est resté à Marseille." (Abbé Rey, "Edgar Mélik, le châtelain solitaire de Cabriès", Semaine Provence, 1974).
Finalement Mélik va dessiner la vie simple des gens d'ici, de Marseille en 1932, puis de Cabriès à partir de 1934.

A quoi pouvait bien penser cet enfant à la tête chauve, aux côtés d'un homme, dans une rue de Marseille ?


 

 Autant d'êtres anonymes qui interrogent Mélik sur la condition humaine. "Si la peinture est connaissance, comme l'ont toujours souhaité les surréalistes... elle creuse devant nous un miroir; par elle, nous prenons conscience. Nous la regardons et c'est nous-mêmes que nous connaissons." André MASSON, Vagabond du Surréalisme, 1975.
 
                  Mélik a su regarder la vie humble mais il est aussi le peintre à la matière solaire. Ce grand portrait  est une vraie découverte dans cette exposition. Mélik a réduit sa palette au bleu, au rouge et au blanc/jaune. Comme l'a noté un critique d'art, Mélik ne cherche pas à donner l'impression de la lumière dans sa peinture. C'est la matière picturale qui brille. "L'extraordinaire puissance d'irradiation de cette peinture." (Le Provençal, 1961)

 Cette jeune femme joue avec ses cheveux couleur de feu. Sa grande main déformée tire sur ses mèches, tandis que le bras gauche dessine un angle droit pour une main qui fait signe...

 

 Est-elle seule? En bas, à l'angle gauche du tableau vous aurez remarqué un visage aux yeux bleus. Mélik l'a recouvert d'une nappe bleue. La toile est ici moins peinte que barbouillée, salie comme les tableaux de Miro des années 1930.





Le visage chez Mélik n'est pas toujours frontal et bidimensionnel. Il devient parfois un volume complexe dans l'espace où les yeux se déforment par l'effet d'un mouvement brusque. Le nez est construit avec des surfaces colorées, les arcades s'étirent et la bouche est devenue un simple trait rouge.


Et ce clown blanc avec son petit chapeau conique et ses lèvres rouges, où Mélik l'a-t-il surpris ?




 Profitez d'une visite au musée de Cabriès et trouvez vos propres détails. Ils sont en nombre infini dans la peinture de Mélik.

Olivier Arnaud